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REVUE DRAMATIQUE


Vaudeville : La Course du flambeau, pièce en quatre actes, par M. Paul Hervieu.


Faire de la tragédie bourgeoise un genre viable, c’est à quoi le théâtre s’essaie chez nous depuis longtemps, depuis que la tragédie et la comédie sont pareillement des genres morts. A vrai dire, le genre que les Français ont créé au théâtre, celui qui nous appartient en propre, qui est la plus exacte comme la plus haute expression de notre génie, c’est la tragédie classique. Du jour où l’on s’aperçut qu’elle était épuisée, on s’avisa qu’il y aurait moyen de la renouveler, en lui donnant un autre cadre. Transporter la tragédie classique dans le milieu moderne et bourgeois, en lui conservant d’ailleurs ses caractères essentiels, généralité de l’étude morale, simplicité d’action, unité de ton, tel est l’objet que les écrivains novateurs n’ont cessé depuis lors de poursuivre et que d’ailleurs, pour des raisons diverses, ils ont manqué. Les écrivains du XVIIIe siècle ont été égarés par leur sentimentalité et leur manie déclamatoire, outre que de leur temps on avait laissé se perdre la science du cœur humain. Les écrivains du milieu du XIXe siècle ont été victimes des influences qui dominaient alors au théâtre. Je ne songe, bien entendu, ni à contester les mérites au théâtre de Dumas fils et d’Emile Augier, ni à diminuer la valeur de leurs œuvres séduisantes, brillantes, fortes même par endroits ; je ne me place qu’au point de vue de l’histoire d’un genre ; et il est aisé de voir combien la comédie de mœurs telle qu’ils l’ont conçue diffère de ce que devrait être la tragédie bourgeoise. Deux influences pareillement fâcheuses ont pesé sur eux, celle du romantisme et celle du vaudeville de Scribe. Le romantisme leur a imposé le mélange du rire et des larmes. Les exemples de