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pour éloigner les orages se trouve aussi mentionné dans les Mémoires de Forbin (1730)[1].

Après avoir mentionné ces détails pour montrer encore une fois qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, nous descendrons brusquement le cours des âges jusqu’en 1896. C’est en Styrie, à cette date, qu’un certain nombre de propriétaires de la commune de Windisch-Feistritz près Marburg, sur la ligne de Vienne à Trieste, songèrent à établir contre la grêle une défense rationnelle par l’application scientifique d’une ancienne tradition du pays, d’après laquelle les orages pourraient être dissipés à coups de fusil tirés à blanc. L’année suivante (1897), ils observèrent l’absence complète de toute chute de grêle dans le rayon protégé par les trente-trois stations qu’ils avaient établies. Chacune de ces stations comportait une pièce d’artillerie primitive, braquée vers le ciel, et constituée par un billot de chêne supportant lui-même une cheminée conique de locomotive hors d’usage. On introduisait dans ce détonateur une bombe chargée de 80 grammes de poudre et assez analogue aux pétards qu’on fait éclater pour annoncer bruyamment l’ouverture des fêtes de village. Un fracas énorme se produisait ; à un sourd grondement succédait un sifflement prolongé, et à la grêle imminente se substituait une pluie inoffensive. Le succès fut tel que, dès lors, on ne songea plus à discuter le principe de l’utilité des expériences, mais à en améliorer les conditions : en construisant des pièces d’artillerie moins rudimentaires, plus grandes et capables de supporter une charge double ou triple (200 ou 250 grammes), en s’ingéniant à obtenir, soit des caisses d’épargne locales, soit des autorités, des facilités de paiement pour l’installation et des réductions sur le tarif de la poudre, que le gouvernement finit par leur laisser à 0 fr. 30 le kilogramme.

Quant aux stations, reliées mutuellement par un réseau télégraphique, elles ne devaient pas être éloignées de plus d’un demi-kilomètre. Dès que les appareils télégraphiques signalaient une perturbation dans l’atmosphère, le tir devait commencer et se continuer ensuite sans interruption jusqu’à la fin de l’orage. Pour expliquer son effet bienfaisant, on prétendait que l’ébranlement aérien produit par l’explosion atteignait les couches relativement

  1. Leschevin, de Dijon, raconte (1806) que le marquis de Chevriers avait longtemps employé ce moyen dans ses terres du Maçonnais, et que son exemple avait été imité.