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II

On conçoit, à la rigueur, que les projectiles de glace, de la grosseur que nous avons indiquée, puissent, animés qu’ils sont d’une vitesse de chute considérable, tuer des hommes dans certaines circonstances. Le fait s’est vu, paraît-il, dans le cours de l’année 1727 à Labouheyre (Landes),,., en Gascogne, il est vrai[1]. Mais semblable catastrophe est heureusement très rare, puisque, en 1832, le pasteur de Preusdorf (Allemagne) rassemble trois vieillards de sa paroisse pour évoquer leurs souvenirs au sujet d’une grêle extraordinaire dont ils avaient été témoins dans leur enfance, le 2 juillet 1768 ; les victimes sont nombreuses, mais elles se réduisent à des lièvres et des oies. Après tout, dans le Midi de la France, une forte pluie d’orage, comme il en tombe souvent sur les bords de la Méditerranée, suffit, même sans grêle, à faire périr des centaines de moineaux dont les cadavres jonchent le sol[2]

Hommes et animaux peuvent encore réussir presque toujours à trouver un abri. Mais, avec des grêlons gros comme des noisettes dont la pluie ne modère pas l’impulsion, on s’imagine les ravages que subissent les récoltes non protégées. Par cela même qu’ils sont atroces, les dommages produits méritent examen. Commis aux dépens des plantes herbacées dont les feuilles non résistantes sont lacérées par les projectiles glacés, ces ravages se comprennent d’eux-mêmes sans explications. Mais, de fort longue date, les agriculteurs ont remarqué l’infertilité causée par la grêle sur les champs devant porter récolte après la catastrophe, soit que, la saison n’étant pas trop avancée, on veuille labourer et ressemer tout de suite, soit qu’on attende l’année suivante pour réaliser la même tentative. L’agronomie moderne interprète à merveille cette bizarre circonstance que nos pères observaient, sans en saisir la raison. La fertilité d’une terre est intimement liée à sa richesse en nitrates, dont l’acide nitrique est engendré par certains microbes. Ces derniers sont « aérobies, » circonstance expliquant très bien l’utilité des labours qui aèrent

  1. Petit-Laffitte, la Vigne dans le Bordelais. L’auteur cite un nommé Sarlac de Boyssé.
  2. Sur une hauteur de plusieurs décimètres en certains points, ajoutaient, — un peu hyperboliquement selon nous, — les journaux locaux, décrivant les effets d’un violent orage survenu l’été dernier.