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impulsions, il n’a que des nerfs et n’a point de cervelle. Tout cela, tout cela, ces petits jeux électoraux des députés, de l’administration et du gouvernement, cette danse de Saint-Guy de l’État, voilà la vraie et la grande calamité, pire que la grêle pour les campagnes, pire que la pellagre pour le sang ! C’est tout cela qui fait les peuples latins de jour en jour plus misérables au fond, bien que revêtus à la surface du luxe en clinquant « d’une civilisation Christofle... »

Ainsi nous avons tous plus ou moins parlé ; ainsi parle à son tour M. Siliprandi, et j’ai résumé son discours, dont je crains sans doute d’avoir affaibli le pittoresque, mais je suis sûr du moins de ne l’avoir, ni adouci ni aigri.


II

Pourquoi les peuples latins plus que les autres ? C’est que, chez eux, le parlementarisme à base individualiste et à suffrage inorganique domine souverainement, tandis que, dans les pays germaniques, il n’existe guère que de nom, et, chez les peuples anglo-saxons, il est tout différent de ce qu’on le croit. C’est que si, en réalité, les Anglais vivent encore sous une forme d’État oligarchique, les Slaves en un État despotique et les Allemands semi-despotique, notre régime, à nous Latins, est une mixture de monarchie d’origine féodale, d’institutions représentatives de citoyens en tant que tels, de beaucoup d’apriorisme philosophique, et d’un peu de coutume anglaise. Ni de classique, ni des traditionnel, ni de national, et, pour tout dire, de latin, rien, pas l’ombre. Curieuse latinité, où il n’y a rien de latin ! Voilà le mal des nations latines, et voilà la cause de leur mal ; elles souffrent d’avoir emprunté ou de s’être laissé imposer un régime où il n’y a rien d’elles, qui n’était pas fait pour elles. Maintenant, voici, d’un mot, le nom de ce mal : c’est le romantisme politique.

Essayons de bien marquer ce qu’il faut entendre par là. Toute politique est romantique qui part du faux, et toute politique part du faux qui ne part pas du fait. Or, il n’y a de faits en politique que ceux qui sont donnés par l’histoire, et par une histoire déterminée. Toutes les fois que l’on s’écarte de ce principe fondamental, on tombe dans le faux. Mais, toutes les fois qu’en s’éloignant du fait on tombe dans le faux, autant de fois