Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VI


A l’Ouest où meurt la lumière,
Les coteaux noirs sont ourlés d’or.
C’est l’heure trouble, la première
De la nuit qui n’est pas encor.

Le tendre soir brunit la plaine,
Et soudain, monde aux sombres mers,
La lune, éblouissante et pleine,
Monte au ras des labours déserts.

Dans les champs où tombe sa cendre,
Marcheur enfin las je m’assieds,
Et je vois mon ombre s’étendre
Comme un chien fidèle à mes pieds.

J’écoute, rumeur monotone.
Les eaux des écluses chanter.
Et l’âme errante de l’automne
Dans les éteules chuchoter.

J’écoute cahoter la roue
D’un chariot dont le cheval
Hennit haut et clair et s’ébroue
Et réveille l’écho du val.

Là-bas, dans l’océan de brume
Où le hameau paraît plonger.
Répondant au son d’une enclume,
Mugit la trompe du berger.

Et ce sont des clameurs lointaines,
Des voix dans les vergers ; et puis
J’entends les cliquetis de chaînes
Des seaux qu’on descend dans les puits.

Sur la campagne solitaire,
Au fil du vent, du Sud au Nord,
L’angelus répand la prière.
Les cieux rêvent ; l’homme s’endort :