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Les rosiers déterrés poussent des bourgeons roses ;
L’orme a verdi, l’air est rayé de moucherons,
Et le vaste jardin sonore où nous errons
Nous salue au sortir de ses métamorphoses.

Là, dans l’ombre, pendue à d’invisibles fils.
Une goutte d’eau ronde et limpide étincelle ;
Et cette perle, ô bien-aimée ! a pour jumelle
Une larme qui point et brille entre vos cils.

Vous pleurez, contre moi tendrement inclinée.
Pâle, vaincue enfin par la sûre douceur
Que la nature emploie à vous fondre le cœur.
Et tout entière offerte à votre destinée.

Vous pleurez, sans vouloir m’entendre, infiniment.
De vous sentir si faible en face de vous-même,
Et, pauvre être docile à l’homme qui vous aime,
Le baiser qui nous lie accroît votre tourment.

De ma bouche pourtant la vôtre se détache ;
Votre regard troublé me fuit, et, non moins prompt,
Coloré par la honte heureuse, votre front
Se creuse un nid obscur dans mon sein et s’y cache.

Vous restez là, confuse, à vous plaindre tout bas ;
Alors, ô gémissante et craintive colombe !
J’attire votre tête ardente qui retombe.
Et je l’étreins avec orgueil entre mes bras.

Et vous levez les yeux sur moi ; puis, pour me plaire,
Votre visage encor malgré vous convulsif,
Dun arrière-sourire incertain et pensif
Et pareil aux premiers soleils de l’an, s’éclaire.


III


Juin flamboie. Étendu dans la prairie en fleur,
Je rêve au bord d’une eau charmante de lenteur
Où les brins d’herbe font des arches d’émeraude.
Le soleil brûle, l’air pèse, la terre est chaude.