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éblouissement continu ; il tient à les accabler d’heureuses et triomphantes nouvelles. Après beaucoup de temps, les résultats du plébiscite sur la constitution ont pu être recensés dans les diverses parties de la France, centralisés à Paris ; ils sont magnifiques et sans précédent : contre 1 562 refus, 3 012 569 adhésions ; « le nombre des acceptans excède de plus de 1 200 000 celui qu’obtint la constitution de 1793, et d’environ 2 000 000 celui qu’obtint la constitution de l’an III. » Les résultats furent officiellement notifiés au Sénat, au Corps législatif et au Tribunat, et les consuls décidèrent qu’une fête publique célébrerait ce ralliement des Français, mais qu’elle aurait lieu seulement dans la décade qui suivrait rentière pacification des départemens insurgés. Et cette soumission de l’Ouest, tant désirée, qui attestera l’unanimité nationale, Bonaparte brûle de pouvoir l’annoncer définitive, confirmée par un coup d’éclat : « La paix intérieure, écrit-il à Brune, comme le succès de la campagne prochaine, sont attachés à la conduite que vous tiendrez dans cette circonstance[1]. »

Pour que la soumission fût effective, il importait d’assurer le licenciement et aussi le désarmement total des bandes, afin d’ôter aux chefs toute possibilité de rentrer en campagne, dans le cas où les événemens de la guerre extérieure feraient naître pour eux des chances favorables. Or, si la plupart de ces chefs ont renoncé aux hostilités, plusieurs équivoquent sur les termes de leur soumission et tâchent d’éluder le désarmement ; c’est trahir une arrière-pensée et tenir sourdement en échec un gouvernement « qui veut oublier le passé et rallier tous les Français, mais qui ne consentira jamais à être la dupe de quelques rebelles[2]. » Le système de Bonaparte est de faire quelques exemples individuels et de les faire terribles, tandis que, se retournant vers les masses, il pardonne largement et rallie. Parmi les chefs qui rusent ou résistent ouvertement, il veut en saisir un et le tuer, pour l’effet à produire, effet de terreur dans les pays insurgés, effet de rassurance à Paris et dans le personnel révolutionnaire. Aux membres des assemblées, à ces hommes toujours disposés à lui prêter des complaisances suspectes, peut-il donner un gage plus péremptoire et plus révolutionnaire qu’une tête de chef royaliste !

Georges Cadoudal, Bourmont, Frotté attiraient surtout ses

  1. Correspondance de Napoléon, VI, 4575.
  2. Ibid., VI, 4594.