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Quatre cent trente ouvriers, qui se sont réduits par la suite à un nombre un peu moindre, étaient sans travail. Ils semblent croire que la compagnie, parce qu’elle les a employés autrefois, a contracté une obligation permanente envers eux et qu’elle n’a plus le droit de se passer d’eux. On pourrait discuter sur ce point, mais la question ne se présente plus ainsi. En admettant qu’il y ait eu un contrat entre les patrons et les ouvriers, ceux-ci l’ont rompu, lorsqu’ils se sont mis en grève brusquement et sans avis préalable. En reprenant leur liberté, ils ont rendu la sienne à la compagnie : c’est là une des conséquences de la grève que les ouvriers ont le plus de peine à admettre, mais qui n’en est pas moins incontestable en droit strict. La compagnie aurait tort, néanmoins, de pousser à l’extrême l’usage de ce droit, si elle pouvait faire autrement ; mais, avant même que la grève éclatât, elle avait beaucoup de peine à fournir de l’ouvrage à tous ses ouvriers. Elle se demandait déjà avec inquiétude comment elle sortirait de cette difficulté ; les ouvriers l’en ont tirée eux-mêmes par la rupture du contrat qui les liait réciproquement. La compagnie, aujourd’hui, ne leur doit plus rien ; elle reprend ceux dont elle a besoin, elle refuse de reprendre les autres, sans que personne puisse lui en faire un grief. M. Leygues n’y a pas songé : il s’est contenté de dire aux délégués qu’il s’était mis à l’œuvre pour trouver ailleurs du travail aux ouvriers qui n’en avaient plus à Montceau, et il a ajouté qu’il avait l’espoir d’y réussir très rapidement. En effet, au bout d’un ou deux jours, il avait trouvé du travail pour tout le monde, et même pour plus de quatre cent trente ouvriers, ce qui permettait à ceux-ci de choisir parmi les offres qu’on leur faisait. Ce n’est pas la première fois, croyons-nous, que le gouvernement remplit à l’égard des ouvriers le rôle de bureau de placement, et cette pratique n’est pas sans danger : on n’est pas sûr de pouvoir la suivre en tout temps et en tous lieux avec le même succès, et, le jour où le gouvernement cherchera du travail sans en trouver, une nouvelle responsabilité retombera sur lui. Il sort de son rôle en se substituant aux agences et aux syndicats qui pourraient aussi bien que lui remplir le même objet. Mais enfin nous ne le chicanerons pas sur ce point, et si même il avait pu, grâce à cette initiative, amener la fui de la grève, nous serions plutôt tentés de l’en féliciter. M. Leygues a déclaré qu’il ne pouvait pas faire davantage. On lui a demandé de retirer les troupes qui maintiennent l’ordre à Montceau : il a répondu, comme autrefois M. Waldeck-Rousseau, et avec une fermeté suffisante, que cela était impossible. Pour ce qui est des lois sociales à faire voter par les Chambres, il s’est contenté