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moins double des 14 millions de taëls qu’il fournit aujourd’hui. Cette somme est infime, si on songe à ce que les 350 ou 400 millions de Chinois mangent de poisson et de légumes salés : certains auteurs estiment la consommation du sel à 20 millions de piculs de 60kg,453, soit environ 3 kilogrammes par habitant et par an. Sur cette quantité, l’écart perçu par le Gouvernement et le droit de likin, calculés comme nous l’avons indiqué plus haut, soit ensemble 1 taël 58, font un total de 32 millions de taëls. Il faut en conclure que près de 20 millions, c’est-à-dire les deux tiers de ce que paie le contribuable, sont dévorés par les frais d’administration. En admettant même qu’une partie du sel consommé soit introduite en contrebande, on voit quelle marge il reste pour le budget, qui devrait retirer de l’impôt du sel plus du double de ce qu’il perçoit actuellement.

La proportion de l’impôt foncier qui reste aux mains des intermédiaires est encore plus forte ; on l’évalue au double ou au triple des 32 millions de taëls pour lesquels il figure au budget ; une assiette sérieuse permettrait peut-être d’en tirer le décuple. Une réforme, analogue à celle que nous avons indiquée pour le sel, devrait ici trouver sa place : il n’y aurait pas lieu d’augmenter l’impôt, mais d’établir une organisation qui le fasse arriver, dans son intégralité, aux mains des fonctionnaires impériaux ; le Trésor public, doté alors de revenus infiniment plus considérables, pourrait subvenir aux frais d’administration des provinces, dont les fonctionnaires, payés par lui, seraient beaucoup plus disciplinés. On a également songé à une taxe personnelle, tandis que les Chinois seraient assez enclins à établir des droits de timbre. Des nouvelles récentes indiquent que des projets en ce sens ont été élaborés. Des dépêches d’avril 1901 annoncent que sir Robert Hart propose un droit de timbre, devant produire annuellement 5 millions de taëls ; une taxe sur l’opium indigène, dont le revenu est estimé à 10 millions, et une taxe sur les maisons, distincte de l’impôt foncier, pouvant fournir de 20 à 80 millions de taëls. Ces projets ont été vivement critiqués par la presse anglaise. Le Times a déclaré que ces nouveaux impôts ne pouvaient être perçus qu’au prix des plus grandes difficultés et au risque de provoquer de formidables insurrections. Il en trouve la preuve dans l’échec des efforts faits depuis 1898 pour étendre le système et le contrôle des douanes impériales maritimes aux likin à percevoir dans les districts voisins des