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cassette particulière aux dépens de leurs administrés, elles multiplient à leur gré les taxes extraordinaires et en exigent le recouvrement avec une impitoyable rigueur. Il arrive parfois que, réduites au désespoir par les extorsions administratives, les populations éperdues se soulèvent et demandent aux armes le redressement de leurs légitimes griefs. Quand l’émeute est redoutable, les autorités composent. » Si quelques traits de ce tableau ont cessé d’être ressemblans, il n’en est pas moins, dans son ensemble, de nature à nous donner une idée générale de l’imperfection du système qui est encore en vigueur. Nous invoquerons sur ce point le témoignage d’un homme d’Etat japonais, le marquis Ito, qui, après un voyage d’étude fait en Chine, déclarait que le désordre financier y atteint le maximum, et qu’il lui a été impossible d’obtenir un relevé des recettes et des dépenses. Il est piquant de voir le jugement des vainqueurs de 1894 se rencontrer avec celui de l’Europe.

Le gouvernement chinois ne se préoccupe pas d’établir une concordance entre les dépenses et les recettes probables : il inscrit, en regard du nom de chaque province, la somme qu’il attend d’elle, et se contente d’en recevoir environ les quatre cinquièmes ; au bout de quelques années, un décret impérial fait remise des montans qui ne sont pas rentrés. Inversement, si une province, telle que le Sechuen, fournit plus que sa quote-part dans l’impôt foncier, l’excédent en est dissimulé sous d’autres appellations, comme celle de don gracieux, pour éviter de porter atteinte au principe de l’immutabilité de la taxe immobilière.

Le budget annuel est établi par le Comité des revenus de Pékin, qui a quelques-unes des attributions de notre ministère des Finances, et auquel sont adressés les rapports périodiques des hautes autorités provinciales : ces documens sont publiés en totalité ou par extraits dans la Gazette de Pékin, organe officiel de l’Empire depuis une dizaine de siècles. Ces rapports des gouverneurs ou des vice-rois indiquent le montant des sommes remises au gouvernement impérial, qui ne perçoit directement aucun impôt, à l’exception des douanes maritimes et de quelques douanes intérieures. Les revenus sont encaissés par les agens des gouvernemens provinciaux, vis-à-vis de qui ils sont responsables. D’après le rapport que M. Jamieson, consul général d’Angleterre à Shanghaï, écrivait en 1896 et auquel nous emprunterons un certain nombre des renseignemens qui suivent, les produits de