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J’ai vu que l’architecte constructeur, et qui n’était autre peut-être que ce Reburrus qui a caché son nom sous une des arcades, avait bâti tout l’édifice d’après les données du fatidique nombre 13 ; et l’on affirme, Monsieur, que, l’ellipse primordiale du cirque ayant ses trois dimensions principales proportionnelles aux nombres 3, 4 et 5, le grand axe a vingt fois treize pieds, le petit axe douze fois treize pieds, le grand rayon dix fois treize pieds, et le petit rayon six fois treize pieds. De sorte que cette immense construction ne serait qu’un rythme de pierre, une admirable symphonie incomprise pendant des siècles et que nous déchiffrons seulement aujourd’hui. Et ainsi, pendant toute une semaine, où j’étais enfermé parmi ces ruines en n’ayant d’autre compagnie que la science, l’histoire et l’art, ma pensée s’élevait et s’efforçait d’atteindre à la conception de ceux qui bâtirent les Arènes et conquirent l’univers.

Avec leurs moyens de communication si rudimentaires, leur information si brève et en quelque sorte sténographique, — quelques mots écrits sur des tablettes à la pointe du style, — comment faisaient-ils donc, la vie humaine étant si courte, pour connaître seulement ce monde qu’ils mirent si peu de temps à soumettre ? César fit ses premières armes à la prise de Mytilène ; il passa sa jeunesse entre Rome, la Grèce et l’Asie. Il gouverna l’Illyrie et la Cisalpine. Nous le voyons sur le Rhin, en Angleterre, en Afrique, en Orient. Il abat Vercingétorix et Pompée. Il meurt à cinquante-six ans, assassiné en plein Sénat. Nous avons la vapeur, aujourd’hui, et bien peu de nos souverains ont vu le monde, tandis que lui, marchait, souvent à pied, à la tête des légions. On dirait que nos moyens de locomotion nous ont figés.

Il y a quelques jours, du haut des Saintes-Maries, j’ai contemplé, au loin, les eaux de la Méditerranée, et j’ai gémi sur le deuil et la solitude de ses côtes. Qu’elle était belle encore, au IIIe siècle, pareille à une vaste naumachie, autour de laquelle les nations se rangeaient, assises en cercle sur des gradins !

Rome était Rome. La Grande-Grèce développait, sur le rivage de la mer, une façade de monumens marmoréens. En Afrique, le désert était civilisé ; une autre Carthage prospérait. L’Espagne était fameuse par ses cirques et ses rhéteurs. Votre Gaule était la seconde maîtresse du monde après Rome ; Nîmes avait donné à celle-ci les Antonins, et, dès cette époque, on eût pu dire « l’empire gaulois » aussi bien que « l’empire romain. » L’Egypte