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qu’elles ne l’étaient autrefois, des lois qui gouvernent leur sexe. Grâce à elles, on considérera désormais le côté féminin de questions dont on ne voyait jusqu’ici que le côté masculin. C’est au fond le même principe qui, en Amérique, donne aux femmes le droit de prendre la parole partout, même en qualité de ministre de la religion. L’heure de la femme a sonné ; il est temps d’avoir l’opinion de la femme sur tous les sujets. Dieu veuille qu’elle la donne raisonnable et que ce ne soit pas une fausse note de plus dans la cacophonie générale !

Un pays sagement féministe me paraît être la Suède. La libre constitution, les traditions nationales y ont toujours assigné un très haut rang aux femmes ; elles ont accès à toutes les professions ; il n’y a de fermées devant elles que l’Eglise et l’armée ; 63 pour 100 des professeurs de l’instruction nationale sont des femmes ; les hommes leur font place avec une rare courtoisie, et cependant elles ne sortent qu’avec répugnance du cercle de la famille ; elles manquent d’ambition. Une seule, jusqu’ici, est devenue agrégée d’Université. Mais elles se sont distinguées dans les arts, dans la littérature d’imagination ; les sphères les plus élevées de la société tiennent le travail intellectuel en honneur. Au reste, comme partout, les carrières administratives ne leur réservent pas les meilleures places (il n’y a encore que la petite Suisse où l’administration des postes ait admis l’égalité du traitement pour les deux sexes). De même l’ouvrière reçoit un salaire inférieur à celui de l’ouvrier ; la raison en est peut-être qu’elle ne fréquente guère la fabrique après son mariage. L’absence de femmes, dans beaucoup de métiers, tient à ce que la Suédoise travaille beaucoup moins au dehors que ses sœurs des grands pays industriels. La lutte pour l’existence ne se fait pas encore sentir âprement en Suède. Heureux pays, où la vie est longue plus que dans toutes les autres contrées de l’Europe, où l’immoralité semble avoir pénétré moins qu’ailleurs, puisque le nombre des enfans naturels n’a pas augmenté depuis un demi-siècle, qu’il a même diminué à Stockholm. Des chiffres éloquens sont produits ; la criminalité décroît singulièrement chez les femmes. Faut-il conclure de tout cela que le meilleur moyen d’empêcher la femme d’abuser de ses droits est de lui en accorder beaucoup ?

Les professions nouvelles où les femmes se sont précipitées avec le plus d’engouement peut-être, tant en Amérique qu’en