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promptement détruits ou tout au moins enkystés dans les ganglions et mis hors d’état de nuire. L’infection bacillaire ne saurait progresser que si elle rencontre un terrain favorable.

Malheureusement ce terrain ne lui fait pas défaut : chez les habitans des grandes villes, et de Paris surtout, la résistance vitale est rarement intacte ; bien des causes concourent à la rendre précaire, en attendant qu’un accident fortuit vienne ouvrir la brèche par où passera l’ennemi toujours en éveil.

C’est d’abord la faiblesse originelle qui résulte d’une tare héréditaire. La tuberculose des parens joue à cet égard un rôle capital : non que la maladie soit fort capable de se transmettre directement du père ou de la mère à l’enfant, comme on le croyait autrefois ; on ne naît que rarement tuberculeux, mais on naît plus ou moins « tuberculisable, » et les descendans d’un phtisique, en raison de l’empreinte subie, sont particulièrement aptes à contracter la tuberculose. Les névropathes, les arthritiques, les syphilitiques, les alcooliques transmettent à leur lignée une susceptibilité analogue, bien que moins accusée ; et cette aptitude morbide, résultat d’une infériorité fonctionnelle du système nerveux, se retrouve encore chez les derniers-nés d’une femme trop féconde, ainsi que chez les enfans de parens âgés.

Un autre genre de prédisposition provient de la déplorable hygiène des milieux populaires : logis étroits, sans air et sans lumière, aux murs imprégnés des toxines volatiles que dégagent les corps humains entassés ; travaux trop durs, veilles trop prolongées, si funestes aux jeunes gens et surtout aux jeunes filles dans l’âge de la puberté ; alimentation insuffisante ; ou de qualité défectueuse ; excès alcooliques surtout, qui délabrent l’estomac et empoisonnent le cerveau.

Puis viennent les causes morales qui dépriment le système nerveux et brisent sa résistance : nostalgie du campagnard perdu dans la solitude populeuse de la grande ville ; désespoir de la fille-mère abandonnée, en proie à la misère et à la honte ; soucis poignans de la veuve chargée de famille qui voit péricliter son pauvre ménage et qui s’épuise en vains efforts pour suffire à une tâche excessive ; abattement produit par des revers de fortune ou par les déceptions professionnelles si fréquentes chez l’ouvrier parisien, nourri d’utopies et grisé chaque matin par son journal.

Enfin il est certaines maladies qu’on pourrait nommer « tuber-