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commencent à s’éliminer par les bronches ; rare d’abord, elle devient plus abondante à la période des cavernes et dure autant que la vie du malade ; dans les formes chroniques, elle peut persister pendant cinq ans, dix ans ou davantage, sans cesser de renfermer des bacilles.

Chaque phtisique constitue donc un foyer de contagion actif et permanent. Or, il y a toujours dans Paris une moyenne de dix ou quinze mille phtisiques, dont les deux tiers au moins sont arrivés à la phase de la tuberculose ouverte. La plupart de ces malades appartiennent à la classe pauvre ou du moins peu aisée ; presque tous ignorent la nature de leur mal, que le médecin, par un sentiment d’humanité mal compris, leur a cachée soigneusement : ils ne prennent donc aucune précaution, expectorent indifféremment à terre ou dans leur mouchoir, sans se douter que chacun de leurs crachats contient assez de germes pour contaminer cent personnes.

Les bacilles tombés à terre se fixent dans les fentes du sol ou dans les rainures des planchers ; ceux déposés sur le mouchoir s’y dessèchent et se transforment en une poussière fine qui, au moindre ; froissement de l’étoffe, s’envole et se répand dans l’atmosphère ambiante. Les lieux où séjourne un phtisique sont donc fatalement infectés ; bien plus, partout où il passe il laisse derrière lui des germes capables de reproduire la maladie, si le hasard les fait tomber sur un terrain propice.

Le danger est grand surtout pour qui partage la chambre du malade, et à plus forte raison son lit ; trop souvent, dans les ménages ouvriers, la femme qui n’a pas quitté son mari tuberculeux est atteinte après lui et meurt pour l’avoir soigné ; les ennuis entassés dans l’étroit galetas sont menacés du même sort. Mais ce n’est pas assez : le contage, fixé aux murs, aux planchers, survit au malade qui en est la source ; la chambre du phtisique pauvre, que la misère ou la mort de ses habitans a rendue vacante, est aussitôt occupée par une autre famille, et le premier coup de balai des nouveaux arrivans soulève ; une poussière empoisonnée. On voit parfois deux, trois locataires successifs contracter la tuberculose dans le même logis, et l’épidémie ne disparaître que quand la clameur publique a imposé à l’inertie du propriétaire une tardive désinfection.

Le phtisique alité est l’exception, sauf à la période ultime : la plupart des tuberculeux, pleins d’illusions sur leur état, et