Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/899

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possible que, même dans les milieux aisés, on laissait le phtisique vivre de la vie commune sans aucune précaution. Plusieurs cas successifs venaient-ils à se manifester dans la même maison, dans la même famille, on se contentait d’invoquer la prédisposition héréditaire ou les mauvaises conditions hygiéniques (causes réelles sans doute, mais que nous savons aujourd’hui insuffisantes). On conçoit donc quelle émotion les assertions de Villemin venaient provoquer dans les milieux médicaux. Un clinicien célèbre, Peter, se fit l’organe de la résistance et consacra tout son talent, tout son esprit, à réfuter la théorie nouvelle. Mais, quelques années plus tard, les découvertes de Pasteur, ses travaux sur le charbon bactéridien, le choléra des poules, et tant d’autres maladies dont il démontrait la nature microbienne, vinrent changer insensiblement l’orientation des idées ; on prit la peine de répéter les expériences de Villemin, au lieu de se borner à les critiquer, et il fallut bien reconnaître que les produits tuberculeux, inoculés en série à des animaux de même espèce, déterminaient successivement chez chacun d’eux des lésions toujours identiques. Dès lors, la nature spécifique du germe-contage encore inconnu pouvait être soupçonnée, et une foule d’observateurs se mirent à la recherche du bacille tuberculeux.

L’honneur de le découvrir était réservé à Robert Koch : grâce à de persévérans efforts, servis par une technique impeccable, il parvint à déceler dans les produits tuberculeux un bacille spécial, qui ne se trouve nulle part ailleurs et que certains procédés de coloration permettent de distinguer facilement ; il réussit à isoler ce microbe, à le cultiver sur milieux artificiels et, en inoculant aux animaux les cultures pures, à reproduire la maladie, donnant ainsi du premier coup la solution complète du problème et la preuve irréfutable de la spécificité du bacille de Koch, nom que le monde scientifique a justement attribué au microbe de la tuberculose.


II

La découverte du bactériologiste allemand, ou pour mieux dire la publication de son premier travail, date de 1882 ; depuis cette époque, les savans de toutes les nations ont creusé à l’envi le sillon qu’il avait tracé ; mais, s’ils ont précisé quelques points