Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait exécuté ses engagemens et la situation où elle était quand la faute grave d’un ministre l’avait tirée de la ruine.

Jusqu’à quel point la politique eut-elle sa part dans les origines de toute cette a d’aire, il est impossible de le dire avec certitude. Mais ce qui paraît certain, c’est que pendant la longue durée du procès de Berne, toute la presse britannique ; - en escompta l’issue comme le moyen qui ferait tomber la baie Delagoa et le chemin de fer entre les mains du gouvernement de la Reine. Les arbitres, pensait-on, condamneraient le Portugal à une indemnité telle, — on ne parlait de rien moins que de cent millions — qu’il lui serait impossible de la payer et qu’il devrait soit vendre, soit hypothéquer le chemin de fer et la baie Delagoa à l’Angleterre. Celle éventualité fut étudiée dans toutes les chancelleries, et, vers 1898, la vente des colonies portugaises, de celle du Mozambique en particulier, semblait aux publicistes anglais un événement prévu et prochain. C’est vers ce temps qu’un traité secret, auquel récemment M. le comte de Bulow faisait allusion au Reichstag, aurait été signé, en l’Angleterre et l’Allemagne auraient prévu et préparé le partage des colonies portugaises au cas où le Portugal ne pourrait pas payer l’indemnité que fixeraient les arbitres. L’Allemagne sans demie se serait étendue du côté du Nyassa et peut-être en Angola ; l’Angleterre aurait gardé Lourenço-Marquès. D’autres événemens étaient-ils prévus dans la convention ? Est-ce au moment où elle fut signée qu’il conviendrait de faire remonter la volte-face de l’empereur Guillaume II et l’abandon du Transvaal par l’Allemagne ? Autant de questions auxquelles il serait difficile de donner aujourd’hui une réponse satisfaisante, l’instrument diplomatique ; n’ayant jamais été divulgué, ce qui semble hors de doute, c’est que le cas d’un achat et d’un partage des colonies portugaises, et spécialement du Mozambique, a été envisagé, admis comme possible : et c’est tout ce que ; nous en voulons retenir.

L’arrêt de Berne vint, à la fin de mars de l’année dernière, couper court à tous ces beaux projets et décevoir l’impatience de ces convoitises indécentes. L’arbitre, en effet, fixait l’indemnité à payer par le Portugal au chiffre de 15 millions en principal et 10 millions d’intérêt, soit 25 millions : le gouvernement de Lisbonne qui, en prévision du paiement à effectuer, avait rendu disponibles des ressources, put acquitter sa dette. Vingt-cinq millions, aubaine inespérée, tombèrent dans les caisses d’une