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anglo-égyptiennes ; chez nous, les capitaux vont volontiers aux entreprises étrangères, même les plus hasardeuses ; s’agit-il d’une œuvre française, ils deviennent timides et se cachent. Que la Compagnie des chemins de fer éthiopiens ait des actionnaires de tous pays, peu nous importe ; mais le gouvernement français a le devoir strict de veiller à ce qu’un chemin de fer construit en partie en terre française et aboutissant à un port français n’échappe pas à son contrôle ; il serait désastreux pour nous que la ligne de Djibouti à Harrar passe en des mains anglaises ou qu’un embranchement soit construit pour détourner sur Zeila tout le commerce des hauts plateaux. Pour acquérir le droit de s’y opposer, la France n’a qu’à accorder soit une subvention, soit une garantie d’intérêt à une entreprise exécutée par des Français en territoire français. Il y a là, pour nous, un intérêt de premier ordre. Précieux, en effet, au point de vue économique, Djibouti et son chemin de fer ne le sont pas moins pour notre politique, africaine. Tant que l’Ethiopie reste indépendante, et résiste, comme une digue, à la pression violente ; des Européens conquérans aussi bien qu’aux progrès menaçans de l’Islam, ses intérêts et la nécessité de conserver son débouché maritime en font l’auxiliaire naturel de notre politique africaine ; tant que ses montagnes resteront inviolées, la « question du Nil » ne sera pas définitivement résolue ou pourra être rouverte.


VII

Les grandes questions politiques, vues sous un certain angle, présentent toujours un aspect religieux, car la religion est l’un des facteurs essentiels de la nationalité et les affinités religieuses sont souvent, entre les peuples, un lien plus fort que la parenté même des races.

Convertie au IVe siècle par des missionnaires d’Alexandrie, l’Ethiopie n’a jamais cessé de reconnaître, dans la capitale de l’Egypte, sa métropole religieuse : encore aujourd’hui l’abonna, chef de l’Eglise abyssine, reçoit du patriarche copte du Caire l’onction épiscopale. C’est ainsi qu’un jour l’Ethiopie, fervente dans son zèle religieux, mais peu versée dans les subtilités de la théologie alexandrine, suivit le schisme monophysite et se trouva séparée de l’Eglise romaine. Bientôt, l’invasion musulmane étant venue isoler l’Ethiopie du reste du monde, détourner