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l’on facilite, à toutes les grandes compagnies de navigation, les moyens d’y faire faire escale à leurs bateaux, et que l’on n’y molle pas obstacle par des barrières douanières. Jusqu’à présent, les droits de douane ont été ou nuls on très modérés, et il est à souhaiter que le gouvernement français persiste dans une politique de libre franchise qui fera de Djibouti la rivale d’Aden, le débouché de tout le commerce de l’Ethiopie, l’intermédiaire obligé entre l’Europe et les États de Ménélik. Un port aussi précieux serait, en cas de guerre, ardemment disputé et dangereusement exposé : à l’Etat français incombe la tâche d’en préparer la défense. Djibouti, avec le chapelet d’îles qui défend ses approches, est facile à protéger : quelques canons commandant les passes, quelques torpilleurs dans le port, suffiraient à la rigueur à en rendre l’attaque malaisée ; et, si l’on voulait créer, dans notre colonie, un réduit imprenable de vive force, il faudrait choisir le Goubet-Kharab, qui, tout au fond du golfe de Tadjoura, dessine une sorte d’étang de lierre profond, dominé par des hauteurs favorables à la défense. En tout cas, il faut parer très vite aux nécessités les plus urgentes, mettre Djibouti en état de résister, car, malheureusement, l’hypothèse d’une guerre où nos colonies seraient menacées n’a rien aujourd’hui d’invraisemblable.

On nous accuse volontiers de manquer d’initiative ; la vérité est que nous ignorons trop souvent les merveilles accomplies dans le monde par nos compatriotes ou, quand nous les connaissons, il arrive que notre bonne volonté maladroite ou l’imprévoyance de nos gouvernemens les entrave ou les compromet : témoin, cette belle entreprise du chemin de fer de Djibouti à Harrar et au Nil, conçue et en partit ; réalisée par des Français, sans le secours de l’Etat, sans l’appui des grandes banques. La tâche était ardue : d’abord il s’agissait, à force de loyale franchise et de services rendus, d’inspirer à Ménélik une confiance inébranlable, il fallait prévenir les démarches des Anglais et écarter leur concurrence, secouer enfin l’apathie du public français et triompher aussi, sans doute, du mauvais vouloir, tout au moins de l’inertie ordinaire aux fonctionnaires, naturellement enclins à la défiance envers tout projet qui ne porte pas le cachet d’une origine officielle. Toutes les difficultés ont été surmontées sans bruit, sans heurts diplomatiques, mais la Compagnie, dont les administrateurs sont encore tous Français, a dû accepter d’importans concours financiers de sociétés anglaises ou