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l’entrepôt commercial et le centre du trafic de cette région si riche, tandis que l’antique Harrar restera la cité militaire et féodale, la capitale intellectuelle et religieuse[1].

D’El-Bah, le chemin de fer sera poussé, sans retard, vers Addis-Ababa. Ménélik, avide de progrès et curieux de nouveautés, conscient aussi des grands intérêts de son pays, attend impatiemment l’heure où la locomotive pénétrera jusqu’à sa capitale, comme y arrive déjà le téléphone. La ligne, sur près de 350 kilomètres, longera le pied des plateaux du Harrar et ne rencontrera pas de difficultés sérieuses avant le grand pont qu’il faudra jeter sur l’Aouache, rivière torrentueuse aux crues redoutables ; cet obstacle franchi, la ligne montera en pente douce et suivra, pendant une centaine de kilomètres, la rive gauche de l’Aouache ; encore vingt kilomètres sur le plateau même, et l’on aura atteint Addis-Ababa, le séjour préféré de Ménélik et la capitale actuelle de l’empire d’Ethiopie.

Quant à la troisième section du chemin de fer, qui doit plus tard rejoindre le Nil, le temps n’est pas venu encore de l’exécuter, mais qui n’en apercevrait d’un coup d’œil toute l’importance ? La ligne aboutirait sans doute aux environs de Lado ou de Bor, c’est-à-dire dans la partie la plus riche et la plus salubre du Soudan nilotique, non loin de ce plateau très fertile de Fatiko, qui, au dire des voyageurs, jouit du plus délicieux climat de toute l’Afrique, dans la région même où Samuel Baker plaçait, non loin de Doufilé, la future capitale économique du Soudan. La ligne projetée tracerait la voie la plus directe des pays du Haut-Nil, du Bahr-et-Ghazal, et peut-être même de la partie orientale du Congo belge et du Congo français, vers la mer et vers l’Europe. Mais, sans anticiper sur un avenir encore lointain, il est dès maintenant permis d’augurer favorablement du succès de la voie ferrée nouvelle. L’exemple du chemin de fer du Congo belge montre combien la réalité peut dépasser les prévisions les plus optimistes, et le commerce grandir avec les facilités qui lui sont offertes. Les ressources minières de l’Ethiopie sont encore mal connues, mais toute la région des plateaux, fertile et bien arrosée, peut donner en abondance les produits de l’agriculture

  1. Harrar compte 40 000 habitans, en majorité Gallas ; des plateaux qui l’entourent sont parmi les plus riches pays de l’Afrique. Le café, le coton, les légumes, les arbres fruitiers y poussent en abondance. De tous côtés les caravanes apportent les cafés du Kaffa, les peaux, la cire et l’ivoire d’Ethiopie, etc.