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LES
SONNETS DE SHAKSPEARE

Les sonnets de Shakspeare ont, depuis quelques années, donné lieu à des tentatives de traduction poétique. M. Ernest Lafond a mis en vers quarante-huit de ces sonnets ; Mme Simone Arnaud, vingt-quatre. M. Alfred Copin a donné, en 1888, une traduction complète de ces petits poèmes. Je ne citerai ici que pour la curiosité des bibliographes une traduction en prétendus vers français qui porte le nom de M. Direy et qui a été publiée à Poverty Bay, dans la Nouvelle-Zélande, avec le millésime de 1892. Le style n’en est ni moins bizarre ni moins inattendu que le lieu d’où elle nous vient : je ne sais rien de plus décadent, dans la décadence, ni de plus inintelligible dans le galimatias. Mais revenons aux efforts sérieux. Le plus récent et le plus méritoire de tous est la traduction parue l’année dernière et que nous devons à M. Fernand Henry[1].

M. Henry s’est imposé une difficulté dont M. Copin s’était affranchi. Il ne s’est pas contenté de traduire les vers par des vers, il a traduit les sonnets par des sonnets ; et, quand j’expliquerai tout à l’heure quelle est la structure particulière du sonnet shakspearien, combien il diffère du nôtre dans sa forme, dans sa marche et son aboutissement, on commencera à comprendre le tour de force accompli par M. Henry. Si j’ajoute que sa traduction est presque littérale et n’en a jamais l’air ; que, sur les 154 sonnets, je relève seulement un ou deux endroits où je

  1. Les Sonnets de Shakspeare traduits en sonnets français, par Fernand Henry. — Ollendorff.