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venaient d’être votés. Que fait cette loi ? Elle condamne un certain nombre de congrégations ; elle les dissout ; elle liquide leurs biens. Si, malgré cela, ces congrégations se reforment, la loi inflige à leurs membres des peines très sévères. Que faut-il de plus ? Et comment pourrait-on désormais appartenir à des congrégations qui ne pourront plus exister ? A ceux qui néanmoins le tenteraient, n’est-ce pas assez d’appliquer l’amende et la prison ? Leur enlèvera-t-on encore l’usage d’une liberté de droit commun ? Cela est à la fois inique et absurde, et n’avait jamais été tenté jusqu’ici. M. le président du Conseil a répondu hardiment qu’il voulait reconstituer l’unité morale de la France : c’est tout son discours. Les échecs retentissans rappelés par M. de Mun ne l’effrayent pas. Il espère être plus fort ou plus habile que Robespierre et que Napoléon. L’article 14, dont la disjonction avait été proposée, a été maintenu dans la loi ; puis, il a été voté à une majorité considérable. M. Trouillot n’a pas caché que cet article contenait tout l’esprit de la loi. A la vérité, il le dit successivement de tous ceux qu’on discute ; mais pour celui-là il avait raison. On en veut à la liberté de l’enseignement : elle était visée, elle a été atteinte. Elle l’a été dans un certain nombre d’individus, elle le sera demain dans leurs biens. Alors l’œuvre sera complète et la Chambre pourra la regarder avec satisfaction.

Sur deux points toutefois, la majorité a faibli : il est vrai que, sur le premier, M. le président du Conseil s’est abstenu de parler, et qu’il a laissé M. Trouillot à ses seules forces. Il s’agissait des biens appartenant aux congrégations sous le couvert de personnes interposées. « Sont légalement présumées personnes interposées, » dit l’article : suit une énumération. Un député, M. Perreau, a demandé qu’on ajoutât : « Mais sous réserve de la preuve contraire. » Il semble que rien ne soit plus juste et que la chose aille de soi. Point du tout ! a déclaré M. Trouillot : on ne doit pas pouvoir faire la preuve du contraire. Il a eu beau répéter que tout l’esprit de la loi était là, on ne l’a pas écouté, et la preuve a été permise à une majorité de douze voix. C’est le premier succès qu’ont obtenu les adversaires du projet. En obtiendront-ils un autre sur l’article 18, qui se rapporte à la liquidation des biens ? Au moment où nous écrivons, la Chambre a voté, — et cette fois malgré le gouvernement, — le premier paragraphe d’un amendement de M. Lhopiteau, qui, tout en liquidant les biens des congrégations non autorisées, les met en vente et en attribue le prix aux membres de l’association dissoute. Mais quel sera le sort définitif de l’amendement ?