Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/724

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chambre a nommé deux commissions dont l’une est favorable à la liberté de l’enseignement, et dont l’autre lui est contraire. Il y en a pour tous les goûts. Quant au gouvernement, entendu d’abord par la Commission de l’enseignement, il a été avec elle pour la liberté ; mais, depuis, ayant frayé davantage avec la Commission du droit d’association, il s’est prononcé avec elle contre cette même liberté. Après avoir hésité entre M. Aynard et M. Trouillot, il a obéi sans doute à la loi des affinités électives, et a penché définitivement du côté du second. Rien n’est plus naturel. M. Aynard, lui, est resté fidèle aux doctrines de toute sa vie : il a défendu la liberté pour tous, même pour ses adversaires. Ses préférences, et il l’a prouvé, ne sont pas pour l’enseignement congréganiste ; il aime l’Université et lui a confié ses enfans ; mais il s’indigne à la pensée de priver d’autres pères de famille, qui pensent autrement que lui, de la liberté de choisir dont il a usé lui-même. Il a tenu, comme on voit, un langage bien démodé, que la Chambre a pourtant écouté avec déférence, parce qu’elle y sentait, malgré ses préventions, une pensée élevée et un sentiment généreux. Quant à M. de Mun, on l’écoute aussi, et même fort bien ; le talent, lorsqu’il atteint un certain degré, s’impose par sa force propre ; on aime à en jouir, même en lui résistant. La thèse de M. de Mun a été surtout historique. — Que voulez-vous ? a-t-il demandé à la Commission et au gouvernement. Faire, conformément à vos idées, l’unité intellectuelle de la France. L’ancien régime a pu maintenir pour un temps cette unité, avant le siècle de la Réforme, avant celui de la philosophie, et nous pourrions dire, en parlant du XIXe, avant celui de la critique à outrance. Mais, aujourd’hui, cette conception, qui a sa grandeur, est une chimère. La Convention a essayé de la réaliser et y a échoué. Napoléon l’a entrepris à son tour et n’a pas été plus heureux. Vous ne le serez pas plus qu’eux, parce que vous n’avez pas et ne pouvez pas avoir de doctrine. Comment en auriez-vous, puisque vous êtes emportés vous-mêmes par un mouvement continuel dans une évolution indéfinie ? Dès lors, l’autorité peut trouver d’autres champs d’action, mais l’enseignement doit appartenir à la liberté. La nature et la force des choses ont créé plusieurs types d’enseignemens entre lesquels les pères de famille peuvent se prononcer. Aucun de ces enseignemens n’a le droit de proscrire l’autre et de le supprimer, au nom d’une unité définitivement rompue. — Par un autre chemin, M. de Mun arrive donc au même but que M. Aynard. Et il en est de même de M. Ribot, qui a parlé surtout en homme politique et s’est placé au point de vue même de la loi dont les principes fondamentaux