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des députés, et les articles en sont votés les uns après les autres, à l’exclusion de presque tous les amendemens qui y sont présentés. C’est ce que nous avions prévu, à l’encontre des optimistes qui espéraient que certains articles seraient atténués, ou même qu’étant mollement défendus par le gouvernement, ils seraient rejetés. Cela n’a été vrai que dans une mesure infime. M. le président du Conseil semble mettre son honneur à faire passer la loi telle quelle, et, lorsqu’il voit, ce qui arrive assez fréquemment, que M. Trouillot y est insuffisant, il vole au secours de M. Trouillot et pose la question de confiance. On en est enfin arrivé à l’article relatif à la liquidation, ou plutôt à la spoliation des biens des congrégations non autorisées. Il a été remanié par la commission d’accord avec le gouvernement ; mais il reste fort mauvais. Sera-t-il voté comme les autres ? Au point de discipline où la Chambre est arrivée, rien n’est plus probable, et, si M. Waldeck-Rousseau pose une fois de plus la question de cabinet, rien n’est plus certain.

Les dernières séances ont été remplies par l’article 14, qui interdit le droit d’enseigner aux membres des congrégations non autorisées. On a dit que cette disposition n’était pas à sa place dans une loi sur les associations, et qu’il fallait la réserver pour le jour où on discuterait enfin la réforme de l’enseignement. La saine logique l’aurait voulu en effet, mais il ne s’agit pas de logique dans cette affaire, et la Chambre se soucie fort peu de s’y conformer. Combien de fois n’avons-nous pas dit déjà que la loi sur les associations n’avait pas pour but principal les associations à réglementer, mais bien la liberté de l’enseignement à atteindre et à supprimer par un moyen détourné ? Il devient inutile de le répéter, la démonstration en ayant été faite par l’article 14, par la discussion dont il a été l’objet, par le vote final qui l’a consacré. La bataille a été longue et ardente. Les adversaires de l’article y ont déployé beaucoup de talent et de courage. Des discours comme ceux de M. Aynard, de M. de Mun, de M. Ribot sont de ceux qui honorent une assemblée, ou plutôt qui l’honoreraient si elle s’en inspirait, car c’est tout le contraire qu’il faut dire, lorsqu’elle les écoute sans les entendre et qu’elle va chercher ailleurs la règle de ses déterminations et de ses votes.

M. Aynard est le rapporteur des propositions relatives à la liberté de l’enseignement dans cette grande commission présidée par M. Ribot, qui s’est livrée à une enquête si complète sur l’état actuel de l’enseignement universitaire ou libre, et sur les réformes à apporter au premier. Il avait donc un titre particulier à intervenir dans ce débat. Chose curieuse, et qui peint bien l’anarchie où nous sommes, la