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laissé pendant quelques jours à la merci d’une minorité infime, mais turbulente, composée surtout d’étrangers et de repris de justice, de gens sans aveu qu’on appelle les nervi, d’un nom emprunté à un autre âge. De là est venu le mal. Quant au remède, il est venu d’où on l’attendait le moins, de la tentative manquée du gouvernement et de la municipalité pour faire capituler les patrons. Les ouvriers, comme dernière tentative, ont envoyé des délégués à Paris voir MM. Waldeck-Rousseau et Millerand. Plus heureux que M. Flaissières, ils ont été reçus, et ils devaient l’être. Mais que leur a-t-on conseillé ? D’accepter les offres des patrons, de ne pas remettre en cause l’arrangement du mois d’août, et de consentir à ce qu’on en discutât seulement l’application. — Quoi ! ont-ils dit : voilà quinze jours qu’on nous propose cette solution, et que nous la repoussons. Ah ! si nous avions su ! — C’est le dernier mot de cette grève, et sans doute de beaucoup d’autres, bien que les ouvriers ne le prononcent pas toujours aussi franchement.

Du moins, à Montceau-les-Mines, la situation s’est-elle améliorée ? On l’a cru d’abord ; on en doute maintenant. Pourtant les ouvriers du syndicat jaune, ceux qui veulent travailler et que les autres, pour ce motif, désignent par l’épithète de « fainéans, » ont pu descendre dans les puits. Ils ne sont pas encore bien nombreux ; on n’en a compté qu’un peu plus de cent le premier jour. Mais c’est un commencement, et d’ailleurs leur nombre augmente de jour en jour. Il était bon que le syndicat jaune manifestât son action sous cette forme en quelque sorte tangible. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait plus tôt ? Sans doute parce qu’il n’était pas suffisamment protégé contre les coups de force des affiliés au syndicat rouge. Et l’est-il assez, même aujourd’hui ? Les dépêches ne parlent que de coups, de blessures, de rixes qui menacent d’heure en heure de devenir plus graves. Pour le moment, la situation peut donc être résumée comme il suit : par une faveur inespérée du sort, elle s’est améliorée à Marseille ; elle reste stationnaire à Montceau. Si la grève n’est pas générale, si même ce fantôme inquiétant s’éloigne de plus en plus, elle tend à devenir permanente. Il y avait à Rome un temple de Janus qui ne se fermait que lorsque la République ne soutenait de guerre sur aucun point du monde : il a été bien rarement fermé. Si nous avions aujourd’hui un temple qui ne se fermât que lorsqu’il n’y aurait pas de grève, il resterait toujours ouvert.


La discussion de la loi sur les associations se poursuit à la Chambre