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à la reprendre quand ceux-ci le voudront, — mais à la condition qu’elle portera exclusivement sur la manière dont l’arrangement du mois d’août a été appliqué et non pas sur l’arrangement lui-même. « Ils regrettent, disent-ils dans une lettre à M. Grimanelli, les allégations inexactes qui ont persuadé aux ouvriers qu’ils avaient pu changer d’attitude, ces allégations ne pouvant que perpétuer le déplorable état de choses dont la population souffre depuis trop longtemps, en maintenant chez les ouvriers des illusions dont l’unique résultat est d’aggraver les souffrances de la classe ouvrière. » Ils concluent en disant qu’ils « ne peuvent que se maintenir sur ce terrain de leurs décisions antérieures. » Ils ont encore une autre raison de le faire, c’est que la commission exécutive de la grève et les assemblées plénières des grévistes n’ont jamais accepté l’arbitrage purement et simplement : ils ne l’ont accepté qu’en dictant par avance la sentence à laquelle il devait, d’après eux, aboutir. C’est ainsi qu’ils ont subordonné leur adhésion à des conditions que les patrons avaient déjà déclarées inadmissibles, telles que la journée de huit heures. Singulière façon de comprendre l’arbitrage ; mais n’est-ce pas ainsi que les ouvriers l’ont toujours compris ? Ils l’acceptent pourvu qu’il leur donne raison ; sinon, non. L’arbitrage n’est plus qu’une tentative de conciliation, valable si elle tourne à leur profit, essentiellement récusable dans l’hypothèse contraire. Toutefois, ce n’est pas là le motif principal pour lequel les patrons de Marseille n’ont pas cru pouvoir l’admettre : ils s’en tiennent à l’arrangement du mois d’août, et ils déclarent « qu’il leur est matériellement impossible d’aller plus loin dans la voie des concessions. »

Quand cette résolution a été connue, on s’est demandé, non sans inquiétude, quel effet elle produirait sur les ouvriers. M. Grimanelli ne doutait pas qu’on ne fût à la veille d’une catastrophe : il allait se voir dans la cruelle nécessité de ne plus dissimuler les troupes ! A entendre le langage qui se tenait dans les rues et sur les quais, ces craintes ne semblaient pas chimériques. O prodige ! On a appris que, puisque, décidément, les patrons ne voulaient pas céder, les ouvriers allaient le faire. Cette grève ne paraissait plus, comme disent nos voisins les Anglais, qu’un immense bluff. Un peu de présence d’esprit au début aurait suffi pour en arrêter l’explosion. L’expulsion de quelques étrangers aurait enlevé au mouvement son caractère révolutionnaire. Mais il aurait fallu pour cela que l’administration eût quelque fermeté, et les patrons seuls en ont eu. Le ministère actuel s’est vanté souvent, à défaut d’autres mérites, d’avoir rétabli l’ordre dans la rue : on ne s’en est guère aperçu à Marseille. L’ordre y a été