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s’enfoncerait vers les Grands-Lacs, eut, en 1879, une entrevue avec Johannès ; les conditions d’un accord y furent débattues, le Négus se bornant à réclamer la rétrocession d’un port sur la Mer-Rouge ; mais rien de définitif ne sortit de cette rencontre, et bientôt des incidens tragiques allaient bouleverser toute la région du moyen Nil.

On sait comment, de 1882 à 1885, en Égypte et au Soudan, les catastrophes se précipitèrent. Le Caire est occupé à la fin de 1882 par l’année de lord Wolseley : désormais, sur les rives du grand fleuve africain, l’Angleterre se substitue à l’Égypte ; à la place et au nom du Khédive, c’est le cabinet de Londres qui, dans la politique africaine, va maintenant tenir les fils et provoquer les événemens. En même temps que cette révolution s’accomplissait au Caire, la tyrannie et les exactions des fonctionnaires khédiviaux déterminaient une de ces bourrasques soudaines qui, de temps à autre, bouleversent le monde de l’Islam. A la voix du Mahdi, une formidable vague humaine, partie du Darfour et du Kordofan, allait recouvrir tout le Soudan nilotique, balayer les garnisons égyptien nos, enlever Khartoum et Kassala, séparer de la basse Égypte la province équatoriale et étendre son flot sanglant jusqu’aux rives de la Mer-Rouge et jusqu’aux frontières mal déterminées de l’Ethiopie. Celle-ci, de nouveau, allait se trouver isolée du Nil, enveloppée comme dans un nuage de barbarie triomphante ; mais, dans le conflit que la force des choses préparait entre l’Égypte, docile aux conseils de l’Angleterre, pt ce nouveau ban de l’Islamisme victorieux qui surgissait des profondeurs du Soudan, l’Ethiopie, avec sa forte armée et ses montagnes si propices à la défensive, représentait une force, un appoint décisif dans la partie qui allait s’engager. Johannès songea d’abord aux revendications nécessaires ; il reconquit Kéren et le pays des Bogos, s’avança vers la mer, pressé de trouver le débouché nécessaire à son pays vers les routes libres et vers le monde. On vit moine des Ethiopiens combattre avec Osman-Digma dans la campagne où il écrasa Baker-pacha, enleva Tokar, menaça Souakim et fut finalement battu à Tèbe (29 février 1884) par les Anglais de Graham. En même temps, à Khartoum, Gordon, étroitement investi, réclamait du secours.

Ces événemens provoquèrent enfin l’intervention tardive de la Grande-Bretagne : l’amiral Hewett, chargé d’une mission