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propos de rejeter les doctrines, elle finirait par accepter les doctrines avec l’enseignement. Et l’incrédulité de la femme ferait au christianisme la suprême blessure. Mais, si les bouches chrétiennes ne sont pas moins doctes que les bouches universitaires, la femme restera fidèle aux levons où seront nuis le savoir et la foi.

Or il n’y a pas de raison pour que l’enseignement chrétien soit inférieur à l’autre, s’il est l’objet de soins égaux. Et il y a une raison pour qu’il soit au profit de la femme plus hardi, plus complet, plus libérateur ; car le christianisme a pour la femme des respects et des espoirs inconnus à la libre pensée.

La condition présente des femmes est l’œuvre de l’esprit laïque. C’est lui qui depuis deux siècles a de plus en plus gouverné la société. C’est lui qui, pénétrant les chrétiens moines a, par les exigences des familles, des fiancés, de la mode, imposé, jusque dans les maisons religieuses l’éducation qu’il voulait. Il l’a poussée, soucieux de son propre plaisir, vers les apparences agréables. Il l’a allégée des sérieuses études sur les questions de morale, de philosophie et de foi, sous prétexte que les lois et les gouvernemens suffisaient à maintenir l’ordre dans la société. Il a séparé l’intelligence de la femme et celle de l’homme, réservant à l’homme seul les sommets de tous les savoirs. Pour avoir réduit la femme à ce rôle, on s’est accoutumé à croire qu’elle n’en avait pas d’autre ; en lui voyant les seuls mérites qui parussent de son temps, on s’est persuadé qu’ils étaient les seuls de sa nature. On l’a emprisonnée dans les vertus dont on lui faisait honneur. Et beaucoup de gens encore, par le préjugé de l’habitude, croient avoir tout dit et pensé de la femme quand ils l’ont louée d’être la douceur du foyer et la parure du monde.

L’importance de la femme s’est amoindrie dans la société à mesure que l’énergie du christianisme a diminué dans les consciences. Quelle autre place il avait faite à la compagne de l’homme ! Depuis la prédication de l’Evangile, et tant qu’il lutte soit contre le sanglant orgueil dis l’Empire romain, soit contre les hérésies affinées par l’air subtil de Byzance, soit contre les vices brutaux des peuples barbares, la femme eut sa large moitié d’efforts et d’influence dans l’œuvre de la civilisation. Elle consacra à la religion, qui lui avait rendu la dignité, un apostolat assez actif pour exciter les colères du paganisme, lui parut aussi dangereuse que L’homme, et fut aussi vaillante contre la mort.