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portera la femme pour le grand mouvement social, là sera la victoire[1]. »

Or, la femme est l’ennemie naturelle de l’incrédulité et de la nouvelle morale. Le culte de la matière, l’affaiblissement de la famille, le règne : de la force, offensent l’intelligence, le cœur, les droits de la femme. Il faut, depuis vingt siècles, les affections stables à, sa vie et l’immortalité à ses espérances. Elle est la réserve religieuse du genre humain. C’est pour changer son âme que toutes les incrédulités s’empressent aujourd’hui d’instruire son intelligence. Mais son attachement à ses vieilles croyances a pour mesure la force d’inertie qu’elle oppose à ces efforts. Constater comment elle opte entre les deux enseignemens qui se la disputent, est constater combien les prises de l’éducation chrétienne sont plus fortes sur la femme que sur l’homme. Sans parler de l’enseignement supérieur, qui nulle part n’est encore sérieusement organisé pour la femme, presque toutes les jeunes filles qui reçoivent l’éducation secondaire la demandent religieuse, et, malgré les obstacles des lois, presque la moitié des petites filles reçoit d’institutrices religieuses l’enseignement primaire. La libre pensée a à conquérir les femmes. Il suffit au catholicisme de les garder.

Défendre la croyance de la femme par l’enseignement est donc l’œuvre tout ensemble la plus importante et la plus facile de l’heure présente.

Ce n’est pas à dire que cette œuvre ne demande pas d’efforts. Autre chose était d’attirer la femme à un enseignement offert par l’Eglise seule, autre chose sera de conserver la femme désormais libre de choisir entre deux enseignemens. L’Etat qui n’ignore pas combien son irréligion répugne aux femmes compte, pour les attirer, sur la supériorité du professorat. Si, tandis qu’il s’ingénie à satisfaire toutes leurs curiosités par l’étendue de son programme et à épargner leur peine par la perfection de sa méthode pédagogique, l’enseignement chrétien semblait s’endormir sur sa prépondérance présente, elle pourrait lui être dérobée pendant son sommeil. La femme ne veut pas perdre la foi, mais elle veut acquérir la science. Qu’elle l’espérât plus complète de l’Etat, elle connaîtrait de nouveau la tentation d’Eve. Elle commencerait par prendre de lui l’enseignement avec le ferme

  1. Bebel, Discours au Reichstag, 6 février 1892.