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par l’enseignement, l’enseignement est plus que jamais le devoir des catholiques. Certains d’entre eux ont songé à le donner par l’Université même. Ils occupent ou veulent conquérir des chaires de l’Etat. L’on ne saurait trop louer ceux qui, se sentant l’âme ferme, n’ont pas cru passer à l’ennemi en saisissant au profit de leur foi les armes préparées contre elle. Plusieurs l’ont servie et la servent chaque jour ; gênés parfois, mais encore plus gênans pour les sectaires, ils rendent amie ou neutre une autorité qui, exercée par d’autres, eût été hostile ; grâce à leur présence effacent les préjugés, entretiennent un esprit de justice, fortifient les doctrines spiritualistes dans le corps où ils sont entrés. Ils n’y seront jamais trop nombreux. Le danger est que la politique, si leur influence grandissait, tourne contre eux ses roueries sans scrupules, décourage leur bonne volonté, même la rende impossible en leur fermant en fait l’accès de la carrière. D’ailleurs l’effort, pût-il se poursuivre, ne saurait éliminer vite l’esprit nouveau de l’Université. Pour soustraire à l’anarchie morale la génération présente, les catholiques ne peuvent compter que sur leur propre enseignement.

Mais c’est ici le cercle vicieux. Déjà l’Etat a pris l’avance : parmi les adolescens qui seront demain les hommes, il instruit, grâce aux contraintes légales, dans ses écoles primaires, les trois quarts de la classe populaire ; par le choix des familles, dans ses établissemens secondaires, la moitié des classes cultivées ; par la solidité ancienne de son enseignement supérieur, les neuf dixièmes de l’élite intellectuelle.

Les catholiques auraient, malgré leur zèle, beaucoup à craindre si les destinées d’une société étaient faites par les hommes seuls.

Mais l’avenir du monde n’est pas à la merci d’un sexe.

Si les défenseurs de la civilisation chrétienne étaient tentés de méconnaître l’importance de l’être qui, dans l’espèce humaine, égale l’homme par l’origine et l’emporte par le nombre, ils se trouveraient contraints à une intelligence plus juste par les leçons de leurs adversaires. Ceux-ci, tout victorieux qu’ils semblent, ne se sentent pas maîtres encore de l’avenir. Leur succès auprès des hommes ne leur paraît pas définitif tant qu’ils n’auront pas gagné la femme. La conquérir est leur ambition. Et l’oracle de la doctrine la plus menaçante pour la société, Bebel, a livré le secret de cette sollicitude en disant : « Là où se