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religieuses, débarrasser d’étuis inutiles une civilisation stable par son propre équilibre. On leur fit observer que, celle foi disparue, la morale enseignée par elle s’évanouissait de même et que c’était à eux de fournir une autre doctrine du devoir. La morale tient si peu de place dans la politique : la tâche les prenait au dépourvu. Etonnés d’avoir fait de la morale comme M. Jourdain faisait de la prose, ils chargèrent l’Université de dire quelle morale était la leur et par suite devenait la sienne.

L’Université traitait avec un autre sérieux l’éducation. Voués par leur choix à l’enseignement comme au plus utile emploi de la vie, et contraints, par ce constant appel à la vérité qu’il y a dans les yeux limpides de l’enfance et dans la curiosité confiante de la jeunesse, à beaucoup réfléchir afin de ne jamais tromper, ses maîtres n’étaient pas incertains sur le plus essentiel de leur tâche. Et, parce qu’ils se sentaient chargés non seulement de leur propre vie, mais, en une certaine mesure, de la vie française, ils étaient presque tous attachés aux doctrines spiritualistes. Quand ils eurent à donner leur avis sur la morale, cet avis fut qu’elle ne devait pas être séparée de son auteur et de sa sanction. Le Conseil supérieur de l’Instruction publique inscrivit dans le programme de morale les devoirs envers Dieu.

La première leçon de ce cours était une leçon au Parlement. Mais, par cette réponse du corps enseignant au corps politique, l’Université avait épuisé son droit. Le Parlement gardait, par le ministère de l’Instruction publique, toutes les prises qu’assure la distribution des faveurs et des emplois, et pouvait trouver dans l’Université même des auxiliaires pour faire échec à l’Université. L’homme qui, incrédule depuis sa jeunesse, et franc-maçon depuis peu, trouvait son crédit politique à exciter et servir la passion irréligieuse du parti républicain, M. Jules Ferry, n’hésita-pas. Les deux postes les plus importans pour l’expérience tentée étaient la direction de l’enseignement primaire et la direction de l’enseignement qui se fondait pour les femmes. Au premier de ces postes fut appelé ; M. Buisson, au second M. Pécaut.

Ces deux hommes étaient deux protestans d’origine, que leur éducation première avait conduits aux études théologiques, et les études théologiques à la libre pensée. M. Pécaut dans son premier ouvrage, le Christ et la conscience, avait, dès 1859, précédé ; Renan sur les voies du doute, et écrit comme une préface