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d’exécuter la volonté du Roi, — sont remplies pendant cette période du récit des « chicanes » et des lamentations des alliés ainsi sacrifiés aux nécessités politiques, et dont le duc raille sans pitié la déception et la colère, « l’ignorance crasse » et « le manque d’entendement. »

C’est au plus fort de cette querelle qu’une voix nouvelle s’élève dans le débat. L’empereur, sentant l’occasion favorable, somme, dans une lettre menaçante, les deux princes ecclésiastiques de faire leur paix avec les États Généraux, faute de quoi ils seront « mis au ban de l’Empire, » et leurs États ravagés par ses troupes. Un acte de vigueur appuie ce langage énergique : le frère de l’évêque de Strasbourg, le prince Guillaume de Fürstenberg, ardent partisan de la France, est enlevé à Cologne du congrès où il siège, jeté dans un carrosse et mené jusqu’à Vienne, où on le retient prisonnier. Bafoués d’une part, intimidés de l’autre, faut-il faire un crime aux prélats de n’avoir opposé qu’une courte résistance ? Galen montre l’exemple et baisse pavillon le premier. Le 22 avril 1674, un traité signé à Cologne annonce publiquement son passage dans le camp des ennemis du Roi. Pourvu qu’il pille et qu’il rançonne, que lui importe, au demeurant, la couleur du drapeau ?

Du jour de cette évolution, cesse le rôle politique de l’évêque de Munster. Il rentre dans le rang, avec les autres princes qui suivent la bannière de l’Empire ; son action militaire se confond pendant quatre années avec celle des armées qui luttent contre l’ambition de la France. Aussi ne le suivrons-nous pas dans les péripéties de cette guerre compliquée, où son rôle n’est que secondaire. De ceux dont il suit la fortune, il ne se distingue guère que par sa mauvaise foi. Deux fois, en cette courte période, il tente de les trahir, et de « s’accommoder » sous main avec le Roi ; l’affaire manque les deux fois par la faute de son double jeu, des justes défiances qu’il excite. « Votre Majesté, qui connaît si parfaitement l’esprit de M. de Munster, — écrivent, le 18 septembre 1676, les plénipotentiaires de France à Cologne — ne sera pas surprise de sa manière d’agir… Il n’y a que trop d’apparence qu’il a dessein de prolonger la conclusion du traité jusqu’à la fin de la campagne, afin de tirer en même temps pendant l’hiver, et de Votre Majesté et des États Généraux, le paiement de ses troupes, en faisant croire à ceux-ci qu’il ne les destine qu’à leur service, et en vous promettant d’ailleurs qu’elles ne seront pas employées