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n’est guère en meilleur état. Rien n’est plus pitoyable que tout ce qu’ils ont fait à Groningue ! » La division, suivant l’usage, régnait chez les vaincus, aggravant le désastre. « M. de Munster et M. de Strasbourg se sont séparés fort mal, ajoute le même informateur, M. de Strasbourg lui ayant reproché qu’il avait voulu attaquer Groningue sans raison ni mesure, et l’autre répondant que sans lui il l’aurait pris. » Peu après la levée du siège, la brouille devint presque complète ; chacun tira de son côté. Les troupes de M. de Cologne s’établirent en quartiers dans le pays d’Over-Yssel ; ramassant les débris des siennes, Galen prit la route de Munster, pour tenter d’y « refaire, » aux dépens de son peuple, ses soldats en guenilles et ses canons en miettes.


VIII

La défaite subie à Groningue marque pour Von Galen le terme des triomphes, le début de la décadence. Son prestige sanglant a sombré ; son nom n’éveille plus l’épouvante ; les « machines » et les « artifices, » qui si longtemps ont fait trembler les villes, n’excitent plus guère que la risée. On le hait, mais ou le méprise. « M. de Munster, dit Chamilly, est haï comme un diable, et ses bombes sont fort décriées. » Pour un homme dont la force est faite de la peur qu’il inspire et de la lâcheté qu’il rencontre, c’est un désastre irrémédiable. Il s’opiniâtre néanmoins et ne renonce pas à la lutte ; dès la saison suivante, il reprend la campagne et ravage de plus belle ; les provinces frontières de Hollande. Mais ses succès sont minces et ses conquêtes médiocres ; chaque fois que devant lui se dresse une sérieuse résistance, ses bandes tournent casaque et s’enfuient presque sans combattre. Pour quelques bourgades et « bicoques » qu’il pille et rançonne à merci, il perd en peu de mois les villes précédemment conquises. La faute en est surtout à son imprévoyance : « Les places que garde M. de Munster, mande encore Chamilly[1], ne sont point munies des choses les plus nécessaires, et celles auxquelles il pense le moins pour leur défense sont le pain et la poudre. » C’est ainsi qu’il laisse tour à tour échapper de ses mains Nieuweschaus, Wede, Sleenwick, enfin

  1. 1er novembre 1672. Arch. de la Guerre.