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coup férir ; de même pour Zwolle et Deventer, dont la reddition fut si prompte qu’on soupçonna les « magistrats » d’être de connivence avec les agresseurs : « Je vois décidément que ces traîtres me tiendront parole, » entendit-on dire à Galen. La résistance ne fut guère plus sérieuse sous les murailles de Cœvorden, « clé des provinces de Frise et de Groningne. » L’évêque l’investit brusquement avec 10 000 chevaux et 6 000 fantassins ; et, presque sans travaux d’approche, le bombardement commença. « La ville est assez forte et pourrait tenir longtemps, écrit Chamilly à Louvois, mais je crois qu’il la prendra par ses bombes, à cause de la peur[1]. » C’est en effet au siège de Cœvorden que se fit, au dire de Pomponne[2], « la première expérience » des engins destructeurs inventés par l’évêque. L’effet moral fut foudroyant et dépassa toute espérance. Lorsqu’ils virent pleuvoir sur leurs têtes celle grêle de projectiles, éclatant dans les airs avec un fracas déchirant, les officiers municipaux implorèrent une trêve, de trois jours. « Pas trois heures ! » leur répond Galen ; et, pour la nuit suivante, il annonce un « déluge de feu » plus effrayant, plus mystérieux encore, suivi d’un assaut général où rien ne serait épargné, « pas même les enfans au berceau[3]. » Le cœur, à celle menace, faillit aux assiégés. Malgré le gouverneur, la place ouvrit ses portes et se rendit à discrétion, ce qui n’empêcha pas qu’elle fût pillée dans les règles.

Jamais d’ailleurs plus qu’en cette guerre n’éclata la férocité des bandes recrutées par Galen. « Ils n’épargnaient sexe ni âge, » dit un contemporain ; le viol et l’assassinat étaient le salaire assuré de toute tentative de défense. Sur le bruit de ces barbaries, les populations des villages fuyaient à leur approche, se réfugiaient dans les grandes villes, jetant par d’horribles récits « l’effroi et la consternation. » Ce sont, s’écrie, en les voyant à l’œuvre, le comte de Chamilly, « les plus grands misérables qui aient jamais été ! » Galen lui-même, d’ailleurs, en ses heures de gaieté, comparait ses soldats à une troupe de démons, « chargés d’avancer le supplice des huguenots damnés de Hollande. »

On ne peut se défendre de quelque indignation à voir cet « Attila germain » faire trêve à sa sanglante besogne pour aller

  1. Lettre du 10 juillet. Arch. de la Guerre.
  2. Mémoires.
  3. Annales des Provinces-Unies.