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mal armés et mal commandés. Aussi, malgré certains échecs, — comme au cloître d’Appel, où 1 200 Hollandais firent 1 000 Munstériens prisonniers, — Galen se vit-il bientôt maître d’un vaste territoire. Il s’établit sur les rives de l’Yssel, menaçant, au printemps prochain, de porter ses quartiers sous les murs de Groningue, une des plus florissantes parmi les grandes villes de Hollande.

C’est à ce point de son triomphe que l’évêque trouva sur sa route une barrière qu’il ne prévoyait pas, et que les choses changèrent de face. Les États Généraux, dès les premières hostilités, avaient fait appel à la France et réclamé son aide contre leur agresseur. Le Roi s’était vu, de ce fait, dans une passe assez délicate[1]. Le souverain de Munster, adhérent de la ligue du Rhin, était considéré comme allié de la France ; d’autre part, le traité de 1662, conclu avec les États de Hollande, traité d’alliance défensive et de mutuelle garantie, obligeait Louis XIV, en cas d’attaque contre la République, à mettre 6 000 hommes à sa disposition. En face de ce dilemme, le Roi hésita quelque temps. La conduite barbare de Galen, les instances des États, — et sans doute aussi le désir de contrecarrer l’Angleterre, — firent pencher la balance en faveur des Provinces-Unies. Un corps français se rassembla, au début de novembre, sur les bords de la Meuse, prêt à marcher contre les Munstériens. Il comprenait 2 000 chevaux et 4 000 hommes d’infanterie, troupes prises pour la plupart parmi les corps d’élite, chevau-légers Dauphin, gardes du corps, et mousquetaires du Roi. Un lieutenant général de mérite éprouvé, le marquis de Pradel, commandait cette petite armée ; il avait sous ses ordres le marquis de la Vallière, favori de Louvois et frère de la maîtresse du roi. « Il y a peu d’apparence, écrit fièrement Louvois[2], que Messieurs des États aient jamais vu dans leur pays d’aussi belles troupes et en si bon état ! »

  1. Mémoires de Pomponne. — Annales des Provinces-Unies, etc. — « Mon cousin, — avait écrit Louis XIV à Galen, le 8 août 1665, — les bruits qui courent dans le monde que vous faites depuis quelque temps un armement extraordinaire à dessein d’attaquer les États Généraux des Pays-Bas m’obligent à envoyer vers vous le sieur de Lessein, conseiller en mon Conseil d’État, pour m’éclaircir par son moyen de vos intentions, et, s’il en est besoin, vous faire savoir aussi les miennes… Je désire, conclut le Roi, que vous me donniez plutôt lieu de vous départir les effets de ma bienveillance que de me nécessiter à marcher dans un chemin bien différent. » (Arch. de la Guerre, tome 635.)
  2. Lettre du 1er novembre 1665. (Arch. de la Guerre.)