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sur le premier signal. Il s’engagea, selon sa formule favorite, fide sincerà et germanicà, et, cette fois, fut exact à tenir sa parole. Même il mit tant d’ardeur à ses préparatifs que les États, inquiets, en référèrent au roi de France, qui leur conseilla la patience : le meilleur, leur dit-il, serait « de voir à qui en voulait » leur voisin, et de « le laisser commencer[1]. » Les États suivirent cet avis, et n’eurent pas, à vrai dire, sujet de s’en féliciter.

On vit, un matin de septembre, déboucher à la Haye un trompette de Munster, porteur d’une lettre de l’évêque. Rien de plus déloyal que cet ultimatum. De vieux griefs ressuscités s’y mêlent aux calomnies les (dus invraisemblables. La haine et la cupidité s’y parent avec cynisme du masque de la religion. Le massacreur de prêtres, le destructeur de cloîtres, se pose en champion de la Foi, en vengeur de l’Eglise, en protecteur des catholiques, « insultés, déchirés, foulés aux pieds et torturés » par la « barbarie » hollandaise ! Pour ces forfaits inouïs, Galen exige sur l’heure des satisfactions éclatantes, « faute de quoi, il va mettre son armée en campagne, dans l’espérance que le Ciel, qui aime les justes, sera de son côté. » Les États stupéfaits méditaient encore leur réponse, que les troupes de Munster avaient déjà passé l’Yssel et commencé leurs ravages ordinaires. Dix-huit mille hommes, plus brigands que soldats, se répandaient comme un torrent dans les provinces de Drenthe, de Gueldre et de l’Over-Yssel, dévastant les campagnes et saccageant les villes, faisant « main basse tant sur la bourgeoisie que sur les garnisons[2]. » Ces excès, disons-le, n’étaient pas sans excuse ; ne recevant « ni paie ni prêt, » les soudards de Galen étaient pour ainsi dire « forcés de vivre de rapines. » Partout, derrière leurs pas, on ne rencontrait plus que « des masures en ruine, des déserts ensanglantés, une désolation extrême. »

L’évêque donnait l’exemple. Dès qu’il faisait son entrée dans une place, casque en tête et l’épée au poing, il contraignait les habitans à le reconnaître pour leur prince, après quoi, il les soulageait, à titre de contribution, « des deux tiers de leurs biens. » La résistance qu’il rencontrait était à peu près nulle. Les forces vives de la Hollande se concentraient pour repousser les assauts de la dette anglaise ; et les villes des provinces frontières n’avaient pour garnison que quelques poignées d’hommes

  1. Annales des Provinces Unies.
  2. Lettre du comte d’Estrades du 1er octobre 1665.