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Guillaume-Frédéric de Nassau, le chef de l’armée hollandaise, en essayant un pistolet, reçut la charge en plein visage. La blessure fut horrible ; le prince eut pourtant le courage de dicter le jour même une lettre au prince d’Orange pour lui mander son accident : « Voulant faire dans ma chambre l’essai d’un pistolet, sur ce que le feu ne voulut pas prendre à l’amorce, je ne l’eus pas sitôt tourné pour voir ce qui manquait, qu’il me tira droit au menton, de sorte que toutes mes dents sont ébranlées et que je ne puis parler ni rendre un son articulé… » Au bas de cette épître, on peut lire ces lignes touchantes, ajoutées de sa propre main : « Je supplie Votre Altesse de prendre garde à Elle, que le même malheur ne lui arrive avec des armes à feu, et que je lui sois un exemple dont Elle profite[1]. » Le prince, après d’affreuses souffrances, succomba quelques jours plus tard ; et la disparition de ce chef populaire jeta le désarroi parmi les assiégeans. Le blocus fut abandonné. Galen, sorti d’un si pressant péril, se montra plus accommodant ; il consentit à négocier avec les Etats-Généraux, rendit les places conquises, et reçut en échange une forte indemnité. Mais, de l’humeur que nous lui connaissons, on pressent bien que la partie n’était pas pour lui terminée. Un ardent désir de vengeance s’alluma dans son cœur contre ceux qui, deux fois déjà, avaient traversé ses desseins, et la Hollande ne tarda guère à voir l’effet de cette rancune.

L’occasion vint s’offrir d’elle-même dans le cours de l’année suivante, avec tant d’à-propos que l’évêque y crut voir comme « une faveur spéciale » et un encouragement du Ciel, complice de son ressentiment contre ce peuple d’hérétiques. La guerre, qui couvait de longue date, éclata brusquement en 1665 entre la Hollande et l’Angleterre, et cette dernière puissance, tandis que les deux flottes rivales se disputaient la royauté des mers, se chercha des alliés qui fissent, du côté de la terre, une profitable diversion. Galen proposa-t-il son aide, ou vint-on la solliciter ? Le point demeure obscur ; le fait certain est qu’un agent de Charles II, le chevalier Temple[2], vint trouver l’évêque à Coësfeldt dans le plus grand mystère, et qu’un traité secret fut élaboré « en trois nuits. » L’Angleterre donna des subsides[3] ; Galen promit dix-huit mille hommes, qu’il mettrait en campagne

  1. Annales des Provinces-Unies.
  2. Diplomate, et homme de confiance de lord Clarendon (1628-1698).
  3. Galen reçut 500 000 rixdalers, plus 50 000 par mois.