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vint le sommer d’assembler le chapitre, pour confirmer régulièrement l’élection faite « dans les fumées du vin, » il ne put contenir son dépit ; son refus s’exprima en termes violens. Celle colère maladroite hâta le dénouement. Les chanoines, dans l’après-midi, se réunirent d’eux-mêmes, élurent unanimement Galen, puis écrivirent au Pape pour l’informer de leur résolution. Le nouvel évêque, au surplus, ne se donna pas le loisir d’attendre la réponse ; sans faire plus de cérémonie, il prit possession de son siège. Les Munstériens bientôt connurent à leurs dépens l’homme qu’on venait de leur donner pour maître.


II

Malinkroot était opiniâtre et ne se tint pas pour battu. Les années qui suivirent furent remplies par les luttes de l’oncle et du neveu, de l’évêque de Munster et du doyen de son chapitre. Je me garderai bien d’en donner le détail, peu curieux d’ajouter un chant au poème classique du Lutrin : il me suffira d’en noter les péripéties principales. Malinkroot, dès l’abord, porte l’affaire en cour de Rome : l’élection, allègue-t-il, s’est faite hors des formes légales ; de plus, Galen, fils d’un homme mort en prison sous une inculpation de meurtre, est, suivant les canons, inhabile à porter la mitre. L’évêque riposte avec vigueur, réclame impérieusement « ses bulles ; » les séculiers et les bourgeois prennent parti pour ou contre ; le Pape, embarrassé, ne sait auquel entendre ; et cette espèce de « schisme » se prolonge près de cinq années, cinq années où Galen, bien que non « confirmé, » n’en vaque pas moins avec sérénité à ses fonctions épiscopales. La mort d’Innocent X[1] semble pourtant devoir terminer la querelle ; son successeur Alexandre VII, « moins délicat sur la matière[2], » donne raison à Galen, confirme l’élection. Mais Malinkroot exaspéré redouble ses attaques ; nombre de Munstériens, épouvantés de ce qui se révèle de « l’humeur altière » de Galen, se rangent derrière le Doyen du chapitre, et la ville se partage en deux factions rivales, qui se déchirent d’injures. Les « écoliers » surtout se distinguent par leur violence ; un jour de fête, dans l’église cathédrale, comme l’évêque officie en pompe, une troupe de

  1. 1655.
  2. Annales des Provinces-Unies.