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l’usine, cet appoint considérable de force donnait la permanence et la sécurité du travail. En effet, la véritable difficulté à vaincre, l’obstacle à surmonter, pour toute entreprise fondée sur l’emploi de la force hydraulique, c’est l’irrégularité du service et les interruptions trop fréquentes. Même le meunier de la plaine est obligé de ménager ses ressources : le débit change, du soir au matin. Il ouvre ses vannes ; il les ferme, inquiet d’une gelée ou d’une pluie. Si le temps sec se prolonge, il ne chante plus, le meunier : tout chôme. Ses heures se perdent et ses frais courent. Aussi, il a demandé à la vapeur de l’aider dans ces temps de crise. Il a introduit l’ennemi dans son atelier ; mais celui-ci, ayant pris un pied, en a bientôt pris quatre. La vapeur est chère, c’est vrai ; mais c’est une servante docile. Elle travaille quand on veut, marche et s’arrête quand on veut. Elle offre la permanence et la sécurité. Les vannes ont même fini par être délaissées : sur le ruisseau négligé, souvent elles pourrissent inutiles.

Combien celle difficulté est plus grande quand il s’agit de l’eau de la montagne, violente, intermittente et capricieuse ! Selon que, là-haut, la température presse l’éponge ou l’emplit, l’eau coule ou s’arrête, et le débit varie sans cesse, non seulement au cours de l’année avec les grands chômages de l’hiver, novembre, décembre, janvier, février, mars ; mais, aussi, de semaine en semaine et de jour en jour, selon que le temps est bon ou mauvais, sec ou pluvieux.

Pour éviter les longs chômages, la main-d’œuvre inutilisée, la perte sur les frais généraux, l’incertitude dans la livraison et tous les inconvéniens du travail intermittent, que faire ? Le principe introduit, désormais, dans toute l’industrie hydraulique est le suivant : travailler sur l’amenée d’eau minima, mais disposer d’un maximum que l’on emploie, le cas échéant, pour entretenir le minimum, et dont on dispose, en temps ordinaire, soit pour faire des approvisionnemens, soit pour activer une industrie qui supporte le chômage. Ce superflu est tenu à la disposition de l’usine dans des réservoirs ou chambres à eau de rendement constant qui permettent d’assurer au moteur principal un débit régulier et certain.

Tel fut à Lancey, puisque c’est Lancey qui nous sert d’exemple, le principal résultat obtenu par l’adjonction de la chute de 500 mètres : régularité et sécurité dans le travail. Maintenant que l’usine bat son plein, elle fabrique toutes ses