Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lisse sont un peu indignés des intentions qu’on semblait leur prêter. C’était déplacer la question pour y répondre plus facilement. Il n’est venu à l’idée de personne que le ministère actuel s’appliquât à faire naître les grèves, ni à les faire durer. Loin de là, les grèves le gênent, et il donnerait beaucoup pour en être débarrassé. M. Millerand a pu, autrefois, favoriser les grèves et se servir d’elles à l’appui de ses théories politiques et sociales ; mais il était alors dans l’opposition. Depuis qu’il est au gouvernement, son point de vue s’est modifié. Mais les ouvriers n’ont pas oublié ses anciens discours, et le mouvement qu’il a contribué à provoquer continue son évolution logique et fatale. Sa présence au ministère est un encouragement donné à toutes les espérances, à toutes les impatiences, à toutes les avidités. Assurément le ministère n’encourage pas les grèves par sa volonté, mais il le fait par sa seule composition. M. Waldeck-Rousseau, venant après son collègue du Commerce, a exposé la conduite de son gouvernement dans les diverses grèves qui se sont succédé. Voilà ce que j’ai fait, disait-il : que pouvais-je faire de plus ? Rien, sans doute. Mais, si nous avions eu un autre ministère, d’abord quelques-unes des grèves actuelles ne se seraient pas produites, et les autres n’auraient pas duré aussi longtemps. M. Aynard a reproché au ministère la mollesse de son intervention. Le malheur est que cette intervention ne peut pas être plus ferme, car, si elle l’était, le ministère serait aussitôt renversé. Il perdrait les bonnes grâces des socialistes, dont, pour vivre, il ne saurait se passer. Les socialistes savent bien qu’on a besoin d’eux et ils agissent en conséquence. De Montceau ou de Saint-Étienne, ils ont envoyé à Paris des délégués que M. Waldeck-Rousseau s’est empressé de recevoir. Il a bien fait assurément ; ce n’est pas là ce que nous lui reprochons ; mais n’y a-t-il pas quelque chose de singulier et d’inquiétant à voir les délégués des ouvriers discuter avec le chef du gouvernement, et discuter quoi ? Si c’était les exigences qu’ils veulent imposer à leurs patrons, ce serait déjà excessif ; mais c’est bien autre chose encore ! Ils ont énoncé des conditions qu’ils imposaient au gouvernement lui-même. Ils semblaient s’être mis en grève contre le gouvernement, grève partielle et locale jusqu’à aujourd’hui, mais qu’ils annonçaient le projet de rendre générale dans toute l’industrie minière, si on ne leur avait pas cédé avant le mois de mai. Ce n’était donc plus la compagnie de Montceau qui était en cause, mais le gouvernement ; et que lui demandait-on ? D’abord, de retirer les troupes envoyées à Montceau ; ensuite, de retirer la mine à la Compagnie pour la donner aux ouvriers ou pour l’exploiter lui-même. M.