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la fin d’une période, comme si quelque chose de lui et de nous tombait définitivement dans le passé.

Mais le discours de Saint-Sébastien a encore un autre caractère. M. Déroulède s’est étendu longuement et il a donné des détails imprévus sur la tentative manquée qu’il a faite, il y a deux ans, entre la colonne de la Bastille et la caserne de Reuilly. C’est même pour rappeler cet événement, qui ne méritait peut-être pas d’être célébré dans un anniversaire, qu’il a jugé à propos de réunir ses amis et de leur adresser un discours. Et qu’a-t-il dit dans cet étrange discours ? Qu’on avait eu grand tort de ne pas croire de sa part à un véritable complot, complot très habilement combiné, qui aurait été aussi très heureusement exécuté, si les royalistes n’en avaient pas trahi le secret auprès du gouvernement de cette époque. On croit rêver en lisant de pareilles choses. Nous laissons de côté la question de savoir si M. Déroulède, en les affirmant, n’est pas la victime d’une erreur, pour nous demander à quoi pouvait servir leur brusque révélation. Puisque M. Déroulède entend être un homme politique, c’est comme tel qu’il faut le juger. Un homme politique a un but en vue lorsqu’il parle : quel était donc le sien ? Il fait profession de détester, et même de mépriser le gouvernement actuel, et il a quelques raisons pour cela. S’est-il proposé de lui nuire ? A-t-il cherché à l’ébranler ? A-t-il cru apporter un concours utile à ceux qui, au dedans, s’efforcent de le renverser ? En ce cas, il s’est singulièrement trompé. S’il avait voulu justifier le gouvernement dans le passé et le consolider dans le présent, il n’aurait pas tenu un autre langage. S’il avait voulu donner des argumens aux amis du ministère et en enlever à ses adversaires, il n’aurait pas tenu un autre langage. S’il avait voulu édifier une fois pour toutes sur le danger qu’il y a à le suivre lui-même des hommes qui s’en doutaient bien un peu, mais qui se laissaient séduire par les côtés entraînans de son caractère, il n’aurait pas tenu un autre langage. Certes, il a eu tort de pas rester ce qu’il était autrefois. Il était mieux fait pour un rôle où il ne fallait que de la noblesse d’âme et de la générosité que pour un rôle où il faudrait de l’habileté, un calcul exact, un coup d’œil sûr. La manière dont il conduit une opération politique suffit à nous expliquer, sans en chercher d’autres causes, le pitoyable échec qu’il a éprouvé voici deux ans.

Il a fait alors un complot, dit-il. C’est ce que le ministère et ses amis ne cessent pas de répéter depuis ; mais ce qu’une partie considérable de l’opinion s’était permis de mettre en doute. La presse ministérielle demande aujourd’hui, non sans ironie, à ceux qui ont