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REVUES ÉTRANGÈRES

LE COMTE TOLSTOÏ ET LA CRITIQUE RUSSE


Lev Tolstoï i Dosloïewski, par D. Mérejkowski, série d’articles publiés dans le Mir Isskoustva, Saint-Pétersbourg, 1900.


La littérature russe semble décidément vouloir se réveiller de son sommeil de plus de vingt ans. Car le fait est que depuis plus de vingt ans elle dormait, fatiguée sans doute d’un effort trop vif et trop précipité. Après avoir produit en moins d’un demi-siècle les romans de Gogol et de Tourguénef, ceux de Dostoïewski et ceux du comte Tolstoï, sans compter une foule de poèmes, de drames, d’études historiques et critiques, elle ne produisait plus que de médiocres imitations de ces beaux modèles, ou encore de gauches et grossières imitations de modèles français, polonais, ou allemands. Parfois en vérité, les critiques, justement émus de cette léthargie, s’évertuaient à découvrir quelque génie nouveau : mais dès l’année suivante ils étaient forcés de reconnaître eux-mêmes qu’ils s’étaient trompés, et que le génie promis avait à peine du talent ; sur quoi quelques-uns, perdant courage, allaient jusqu’à proclamer la déchéance définitive de leur littérature nationale. Celle-ci, cependant, n’était qu’endormie, et la voici qui semble vouloir se réveiller. Non que son réveil se soit encore manifesté par des œuvres pouvant être comparées, de près ni de loin, aux chefs-d’œuvre des grands écrivains russes d’il y a cinquante ans : à moins que l’on ne considère comme l’un des symptômes de ce réveil la publication du nouveau roman du comte Tolstoï, Résurrection, qui, en effet, a de quoi rivaliser avec La Guerre et La Paix et Anna Karénine. Les autres symptômes, malheureusement, sont