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qu’avec les gros tonnages toute manœuvre de direction devient excessivement difficile, de sorte que la stabilité dans la direction, condition indispensable au succès, est à peu près irréalisable. C’est parce que Santos-Dumont se sort de ballons de faible tonnage qu’il a des chances de réussir. Or, le dirigeable Zeppelin, dont la forme était celle d’un cylindre effilé aux deux bouts, avait un tonnage de 11 000 mètres cubes environ, une longueur de 125 mètres et 12 mètres de diamètre ! Qu’en est-il résulté ? Que cette immense machine, avec sa charpente d’aluminium, ses deux nacelles, ses quatre hélices actionnées par deux moteurs à pétrole, de 16 chevaux chacun, a bien pu, par trois fois, s’élever dans l’air et évoluer au-dessus du lac de Constance, mais que jamais elle n’a pu revenir à son point de départ. Y eût-elle réussi, que l’insuffisance manifeste de la force motrice eût certainement empêché d’obtenir une vitesse supérieure à celle de la France. Ainsi que le fait remarquer. M. W. de Fonvielle, le seul résultat que l’on puisse, grâce aux expériences du comte de Zeppelin, considérer comme définitivement acquis, est la possibilité d’adjoindre des moteurs à pétrole aux ballons gorilles à l’hydrogène, sans avoir à craindre l’incendie.

Après tout, d’ailleurs, qu’importe, au point de vue de la navigation aérienne telle que le public la comprend et la désire, que Santos-Dumont ou un autre arrive à construire un dirigeable doué d’une vitesse propre de 10, 12 ou 15 mètres ? Si on laisse de côté les services que des appareils de ce genre pourront rendre à la guerre, si on ne veut pas que la navigation aérienne reste simplement un sport plus ou moins attrayant (sans cependant se payer d’illusions et croire que les machines aériennes, quelles qu’elles soient, puissent jamais rivaliser avec les moyens actuels de transport), ce sont des vitesses propres de 20 à 30 mètres qu’il faut obtenir, car, à cette condition seulement, les ballons pourront lutter avec les trains express, auxquels les accidens de terrain imposeront toujours des trajectoires plus ou moins sinueuses. Mais, ce résultat acquis, est-il possible qu’une misérable enveloppe de soie, vernissée et craquelée, puisse résister longtemps aux pressions énormes qu’exercera sur elle l’air dans lequel elle baigne ? Assurément non. Il tombe sous le sens qu’une enveloppe entièrement métallique deviendra nécessaire. Et, dès lors, n’est-il pas évident qu’ainsi alourdis, les aérostats, même gonflés de l’hydrogène le plus pur, seront incapables de s’élever en l’air ?