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de cette pensée si conforme au droit des nationalités et à la mission de la diplomatie, nous avions agi avec sagesse et, surtout avec prévoyance. On a vu quelques années plus tard les passions qu’on avait si rudement refoulées se ranimer plus ardentes que jamais dès que des circonstances trompeuses ont flatté de nouveau les espérances de l’Hellénisme. Ces passions se sont développées alors avec une intensité irrésistible et ont amené la guerre funeste qui, en 1897, a failli perdre la Grèce. Sans avoir à apprécier ici ces événemens et leurs conséquences, nous dirons seulement qu’ils étaient en germe dans les péripéties que nous venons de retracer. Le blocus d’Athènes, infligé au peuple hellène au moment où l’unité bulgare reconstituée provoquait ses légitimes inquiétudes, avait aigri ses ressenti mens et l’avait rendu, par le désir d’une revanche, plus ombrageux, plus accessible encore qu’autrefois aux illusions séduisantes et aux projets ambitieux. Cette crise morale était inévitable, et n’a que trop démontré combien la politique française avait été prudente lorsqu’en 1880, elle s’efforçait de terminer l’incident d’une façon plus heureuse eu prévenant ces rancunes et ces réminiscences qui préparent les esprits irrités aux dangereux entraînemens.


Cte CHARLES DE MOÜY.