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coercition, restait évident et irréductible, qu’il eût volontiers souscrit à une telle demande sur notre désir amical, mais que les termes de « désarmement » ou de « démobilisation » prenaient un autre sens dès qu’ils étaient imposés, quoi qu’on put dire, par les bâtimens qui stationnaient devant Athènes. Je lui objectai que la phrase : « cédant aux conseils de la France, » empêchait toute méprise et constatait sa décision antérieure, que, dans peu de jours, il serait obligé d’accepter ces mots qui l’inquiétaient si fort, et qu’il pouvait encore les prononcer librement en saisissant l’occasion offerte. M. Delyannis ne méconnaissait pas cet argument, mais il persistait à son tenir qu’au fond l’on exigeait, par la contrainte, un pas de plus, un engagement pris en face de la force armée et contre lequel se révoltait la conscience de la nation. Je combattis de mon mieux, mais en vain, cette résistance plus instinctive peut-être que raisonnée : la Grèce traversait une de ces heures fiévreuses où les susceptibilités du patriotisme dominent les meilleurs esprits, et où toute concession nouvelle, si prévoyante qu’elle soit, provoque une réaction naturelle et demeure odieuse à l’opprimé.

Le premier ministre, ne fut pas cependant tout à fait sourd à mes instances, et ne les repoussa point absolument, mais il ne les accueillit que dans une certaine mesure, ce qui est souvent dangereux. Au lieu de s’approprier, comme le désirait M. de Freycinet, le texte même dicté par lord Rosebery, il préféra chercher dans une rédaction à peu près équivalente le moyen de contenter les Cours tout en ménageant l’impression de son pays. Cette pensée, louable en elle-même, n’était pas en rapport avec les nécessités de la situation et surtout avec les vues des Cabinets. Il affirma dans sa réponse à la note collective que « la Grèce ne garderait pas sous les drapeaux l’effectif actuel de l’année, et que le gouvernement procéderait à la réduction graduelle de cet effectif dans les délais imposés par la prudence indispensable pour une pareille opération » : Il ajouta que « la Grèce ne troublerait pas la paix, conformément au désir des Puissances. » Mais il tint à éluder le mot de « désarmement, » qui représentait aux yeux des Hellènes le résultat de la violence qui leur était l’aile et un aveu spécial de soumission élevant la démonstration navale. Or, c’était précisément là ce que les Puissances entendaient obtenir.

Néanmoins, et ces réserves faites, le document grec était