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de nouvelles instructions, et m’invitèrent même à signer avec eux la note collective. Je leur lis observer, sur ce dernier point, que, le gouvernement hellénique ayant, sur nos conseils, renoncé officiellement à toute velléité agressive et adopté la politique pacifique réclamée par l’Europe, nous n’avions pas, comme on dit, « à enfoncer une porte ouverte, » que, dans ces conditions, ma signature serait particulièrement inexplicable, et que je ne pouvais la donner. En ce moment même, en effet, je recevais un télégramme de M. de Freycinet me prescrivant de m’abstenir. Il insistait, de son côté, auprès des Puissances, pour que leurs agens reçussent les mêmes directions. Mais, soit que celles-ci préférassent laisser aller les événemens, soit qu’elles crussent que leurs ordres arriveraient trop tard, en fait leurs représentais à Athènes ne Turent point avisés par elles, et, dans la soirée du 26 avril, ils transmirent leur note à M. Delyannis.

Ce contretemps, — quelles qu’en fussent les causes, — pouvait tout remettre en question. Le premier ministre en fut ému sans doute, mais il donna une grande preuve de prudence et de loyauté en persistant quand même dans sa résolution de la veille, qui répondait d’avance à ce texte désormais inutile, et en considérant qu’il n’avait qu’à s’en référer à la communication qu’il avait faite aux signataires. Cette appréciation semblait devoir prévenir tout malentendu et maintenir intacte sa déclaration précédente et spontanée. On pouvait se flatter qu’elle suffirait, car plusieurs Puissances, notamment l’Angleterre, l’Autriche et la Turquie, nous avaient félicité du résultat que nous avions obtenu.

Malheureusement, un fait matériel vint, dès le lendemain, changer complètement l’aspect des choses. L’escadre combinée, dans la journée du 27 avril, prit position devant le Pirée et Phalère. Ce fut avec une indignation inexprimable qu’au moment où le conflit était terminé, les Athéniens voyaient, des hauteurs de l’Acropole et du Pnyx, les cuirassés rangés en bataille le long des côtes de l’Attique. Ainsi, disait-on de toutes parts, l’Europe prétendait substituer une coercition injustifiée au libre consentement de la Grèce : vainement le gouvernement et le peuple s’étaient soumis à de sages conseils, on voulait leur infliger l’humiliation de paraître céder à la force. M. Delyannis s’exprima en ce sens avec toute la véhémence du patriotisme blessé. Il venait de risquer sa popularité pour donner un gage éclatant