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déclaration que je présentais à Athènes. Elles étaient en mesure de l’apprécier, en même temps que M. Delyannis.

Je donnai lecture de ce document au président du Conseil sans aucun retard : suivant mes instructions, je lui en remis copie et je le commentai dans les termes les plus chaleureux. Il m’exprima d’abord sa vive reconnaissance pour une marque si éclatante d’intérêt, en se réservant toutefois d’en faire part au Roi et à ses collègues. A cela je n’avais rien à dire, mais il manifesta aussi une hésitation très accentuée : il insista sur la difficulté de modifier tout à coup une politique consacrée par tant de sacrifices et par les votes récens du Parlement. L’opinion publique l’effrayait : admettrait-elle ce changement ? Comment se décider en l’absence du ministre de la guerre, qui visitait en ce moment les cantonnemens des troupes ? Je voyais enfin qu’à la suite des démonstrations hostiles de l’Europe, la condescendance ; que je réclamais lui agréait moins qu’à l’époque où je l’avais pressenti sur ce point. Placé cette fois en face d’une proposition officielle, il flottait entre le refus manifestement dangereux d’une entente salutaire, et l’abandon d’une politique approuvée incontestablement par la nation entière.

Je combattis ces argumens en invoquant de nouveau tous ceux du télégramme que je lui apportais, et avec la confiance que m’inspiraient à la fois leur évidence, le bon sens de mon interlocuteur, la sagesse du Roi et l’esprit avisé des Grecs. En ce qui concernait le Parlement, je lui fis observer qu’en lui assurant son concours, cette assemblée ne lui avait certes pas imposé une résistance aveugle et le dédain du seul moyen qui restât au pays, et qui lui était offert, pour se résoudre librement et avec dignité. Je le revis le lendemain, 24 avril ; il fallait que je fusse fixé, car mes collègues devaient remettre la note le 26, et j’étais autorisé à la signer si nos instances étaient repoussées. L’anxiété du ministre demeurait visible : il avait trop de sagacité pour ne point comprendre l’intérêt moral d’un dénouement qui épargnait à la Grèce l’amertume de céder ultérieurement à la force ouverte, mais il lui semblait rude de ne rien obtenir en échange, et de consentir si vite à une déception. Cependant sa conviction se formait peu à peu, et je sentais, au cours de ce long entretien, que sa haute raison lui montrait de plus en plus une réponse favorable comme le devoir du véritable patriotisme. J’appris de lui en effet, le lendemain matin, que lui-même et