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L’attitude actuelle de la nation Grecque l’expose aux plus graves périls. En y persistant, elle court au-devant d’une catastrophe ou d’une humiliation… Bientôt sans doute les Puissances notifieront leur volonté au Cabinet hellénique et le mettront en demeure de renoncer à ses armemens. À ce moment, quelle sera sa situation ? Ne sera-t-il pas obligé un peu plus tôt ou un peu plus tard d’obtempérer à cette injonction ? Nous voudrions éviter cette pénible extrémité à la Grèce… C’est pourquoi nous venons dire à son gouvernement : rendez-vous à l’évidence, écoutez la voix d’une Puissance amie, suivez des conseils qui n’ont rien de blessant pour votre amour-propre. Prenez, pendant qu’il en est temps encore, une initiative dont vous êtes les maîtres et dont vous aurez tout le mérite.


Cette adjuration était d’autant plus émouvante et solennelle que les instans étaient précieux et qu’assurément elle ne serait pas renouvelée. Nous ne cachions pas au premier ministre qu’en cas de refus, nous serions obligés de signer la note comminatoire du Foreign Office. Je dois dire que nous n’entendions pas par là marquer l’intention de nous joindre au blocus, mais constater que, si nous n’avions rien à attendre de notre démarche particulière, nous ne nous séparerions pas du concert européen sur le terrain diplomatique. Le document français se terminait par des paroles bienveillantes, destinées à apaiser les esprits et aussi à faciliter à M. Delyannis une évolution pénible. Nous disions que nous « n’oublierions pas cette marque de déférence à nos vieux, » et nous indiquions, pour l’avenir, de meilleures espérances :


Si des jours plus favorables doivent luire pour la Grèce, son gouvernement les préparera par une attitude prévoyante dont l’Europe lui saura gré.


Tel était le langage où nous avions mis notre espérance : nous avions la ferme conviction qu’il serait entendu. Jusque-là, il ne nous était pas possible de le tenir, d’abord parce que les conjonctures n’étaient pas assez alarmantes pour qu’il fût irrésistible, ensuite et surtout parce que, tant qu’il nous serait permis de nous unir aux démarches collectives, il nous semblait préférable, pour bien des causes, de nous borner à les suivre. Maintenant, au contraire, les faits donnaient toute leur valeur à nos paroles, qui représentaient, en réalité, la pensée générale des Cours. Bien que la forme de cet effort suprême nous fût personnelle, il tendait si évidemment à les satisfaire, et nous étions si éloignés de leur laisser à cet égard le moindre doute, que nous nous empressions de leur communiquer, le même jour, la