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Puissances, mais elles n’en furent point troublées, croyant ainsi rendre la guerre impossible : une telle déclaration, tout à fait abusive dans l’hypothèse d’un conflit certain, leur paraissait excellente pour le prévenir.

C’est en interprétant en ce sens leurs intentions que le gouvernement français, bien qu’il ne fût pas à cet égard sans inquiétude, consentit à signer la note qui serait adressée au Cabinet d’Athènes pour lui en faire part. Il considéra qu’après tout, si cette démarche laissait pressentir des actes plus graves, aucune exécution n’était proposée, et que l’on s’en tenait encore à une injonction qui pouvait être écoutée et n’avoir point de suites. Comme nous étions décidés à ne pas aller plus loin, M. de Freycinet, qui désirait concourir à une conclusion prompte et pacifique, ne se refusa point à donner un nouveau témoignage de déférence, et m’invita à me joindre à mes collègues. Cependant, pour éviter tout malentendu, il me prescrivit de « veiller à ce que le texte ne contînt pas quelque formule qui nous engagerait personnellement dans le sens d’un recours à la force. » J’eus soin, en conséquence, au cours de la discussion sur la rédaction définitive du projet préparé par l’un des ministres, de renouveler expressément nos réserves. Je demandai même et j’obtins, non sans peine, une modification de forme qui en atténuait quelque peu la violence : la phrase principale était ainsi conçue : « Aucune attaque navale de la Grèce contre la Turquie ne sera tolérée, » ce qui impliquait une répression effective. Mes collègues consentirent, sur mes instances, à dire simplement : « ne saurait être admise. » Cet euphémisme laissait à notre communication le caractère d’un document impératif, mais enfin n’indiquait point une opposition matérielle et immédiate.

Je ne sais si l’on en fut très surpris, mais le Cabinet d’Athènes ne donna à la note qu’une réponse évasive, et, tout en laissant prudemment ses bâtimens au port, n’accepta point nos conclusions. Sans paraître effrayé, il continua de hâter l’organisation de son armée de terre comme par le passé. L’irritation des Cours fut alors portée à son comble, et il devint bientôt évident que toutes, hormis la France, étaient résolues à comprimer les mouvemens éventuels de la flotte grecque. Les escadres se réunirent à la Sude ; de Londres et de Berlin, on nous demandait de montrer au moins notre pavillon ; nous persistions à déclarer