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l’Hellénisme avec un empressement téméraire. En tout cas, une offensive rapide lui était manifestement impossible. Ses protestations se produisaient, il est vrai, avec plus d’ardeur qu’on ne l’avait d’abord supposé ; mais, soit par la force des choses, soit par prudence, elle laissait volontiers les Serties risquer les premiers une aventure dont l’issue, quelle qu’elle fût, serait pour elle instructive, et utile peut-être.


III

En résumé, peu de jours après l’insurrection de Philippopoli, dès le commencement d’octobre, les positions respectives se déterminaient très nettement. La Russie restait ouvertement hostile à l’évolution bulgare : les Puissances, malgré leurs blâmes officiels et prévus, étudiaient les formes possibles d’une entente : la Porte observait une immobilité provisoire ; le prince Alexandre affirmait et démontrait par ses préparatifs l’intention irrévocable de persévérer ; la Grèce envisageait avec fermeté l’éventualité d’une guerre, et la Serbie annonçait sa prochaine entrée en campagne. De ce côté, l’orage était imminent ; il fallait donc, comme notre ministre des Affaires étrangères, M. de Freycinet, le conseillait avec instance, que le langage des Cabinets fut à la fois très prompt et très pratique pour conjurer la crise et indiquât une solution équitable pour consolider la paix.

Mais ceux-ci n’étaient fixés ni sur le fond de la question, ni sur les voies et moyens. On s’attardait à discuter, les termes d’une déclaration des ambassadeurs à Constantinople, et comme ce document, une fois achevé, n’avait qu’un caractère spéculatif, il ne produisit aucun effet sur les intéressés. Tandis que la Porte affectait de croire que le prince Alexandre, converti par ces phrases, « respecterait les traités et rentrerait en Bulgarie, » celui-ci, loin d’en être ému, invoquait « le concours des Puissances pour obtenir du sultan la reconnaissance de l’union, » et même adjurait le tsar d’y consentir. Bien plus, il appelait toute la population sous les drapeaux et se disait prêta combattre jusqu’à la dernière extrémité. De leur côté, et en même temps que les Grecs réclamaient avec un redoublement de véhémence le maintien du statu quo, les Serbes concentraient leur armée sur la frontière, à la distance où, comme on dit, « les fusils partent tout seuls. » Les Cabinets de Sofia et de Belgrade