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arrivées de Saint-Etienne, nous sommes menacés, un peu plus tôt ou un peu plus tard, de la grève générale de l’industrie minière. C’est une perspective qu’on ne peut pas envisager sans inquiétude.

Il est difficile de se rendre compte des motifs de la grève de Montceau-les-Mines : une fois de plus, une cause insignifiante en apparence produit des effets beaucoup plus grands qu’elle. A la fin de l’année dernière, la compagnie des mines s’est transformée, et l’ancienne administration a fait place à une nouvelle. Le directeur, M. Coste, a débuté par un certain nombre de mesures qui ont été bien vues des ouvriers. Il a repris ceux qui avaient été congédiés à la suite des troubles antérieurs. Il a augmenté les salaires dans une proportion notable. Les ouvriers rendaient justice à sa bienveillance et lui témoignaient de la sympathie. On pouvait donc croire qu’une ère pacifique allait commencer, et qu’elle se prolongerait pendant quelques années. Comment ces heureuses perspectives ont-elles été subitement troublées ? Une quinzaine de jeunes gens qui travaillaient dans des puits non grisouteux se sont plaints de n’être pas traités aussi bien que ceux qui travaillaient dans des puits à grisou. Rien n’est pourtant plus légitime que de payer un peu plus cher les ouvriers qui travaillent dans des conditions plus dangereuses : cela s’est toujours fait et se fera probablement toujours. Si le directeur avait donné satisfaction aux jeunes gens qui réclamaient, les ouvriers plus exposés auraient demandé une nouvelle augmentation de leurs salaires, et ils auraient eu raison. Mais la compagnie, qui venait de faire d’importans sacrifices, ne pouvait pas recommencer. La revendication imprévue d’un petit nombre d’ouvriers, alors que tous les autres avaient accepté l’accord fait en janvier, a suffi pour mettre le feu aux poudres. En quelques jours, la grève a été décidée. Elle ne l’a pourtant pas été sans hésitation, ni même sans résistances. Le syndicat ouvrier de Montceau-les-Mines, — nous allons voir qu’il y en a deux, mais nous parlons ici du principal, — a parfaitement compris qu’on le poussait à commettre une faute. De Paris, les chefs et les principaux organes du parti socialiste envoyaient de bons conseils : il leur semblait contraire au bon sens de compromettre par des exigences, d’ailleurs insoutenables, une situation qui venait d’être considérablement améliorée. Parmi les journaux socialistes qui comptent, pas un seul n’a soutenu les revendications des mécontens : ils ont même affecté de faire le silence à ce sujet. Malgré tout, la grève a été proclamée. Elle l’a été par un comité d’occasion sur lequel le syndicat ouvrier de Montceau-les-Mines s’est déchargé de la responsabilité qui lui incombait